Elles n'aiment pas beaucoup être appelés « agences immobilières »... Leurs prestations dépassent la mise en relation et la négociation de prix, expliquent les agences spécialisées dans les transactions d'exploitations agricoles.
Deux d'entre elles, Quatuor transactions et Altéor conseil, ont accepté de répondre à nos questions. Pour elles, un intermédiaire sérieux proposera un accompagnement pour l'ensemble des démarches de la transmission, ainsi qu'une expertise agricole.
La vente, comme la reprise d'exploitation, est spécifique et requiert un ficelage juridique, fiscal et financier adapté. L'enjeu est de taille, la majorité des transactions s'effectuant entre 500.000 et 1 million d'euros. Entre la mise en vente et la signature, il s'écoule un an en moyenne (de sept mois à deux ans).
Les motivations
L'agent qui fera l'intermédiaire devra réunir et mettre d'accord les deux parties. Alors, que veulent les vendeurs ? En général, valoriser au mieux un outil de travail patiemment construit.
Ils se réfèrent à la valeur patrimoniale de l'exploitation, en additionnant la valeur vénale de tous leurs actifs. Moins de la moitié des cédants vendent au moment de leur retraite, les autres pour des raisons de santé, de situation familiale ou de changement professionnel.
De leur côté, les acquéreurs sont candidats à l'installation, en général en société, ou à une réinstallation sur de plus grandes structures. En zone d'élevage, les critères recherchés sont un parcellaire groupé, de la surface, un site isolé. Le repreneur (ainsi que son banquier), sera surtout attentif à la rentabilité de l'exploitation.
Celle-ci devra permettre de rembourser le plus gros de l'investissement. Mais vu l'importance des affaires à racheter, un apport personnel est généralement nécessaire.
Le juste prix
A ces valeurs de patrimoine et de rentabilité s'ajoute une troisième : le prix de marché, évoluant au gré de l'offre et de la demande. Dans ces temps où la demande de foncier est forte, le marché est tendu et les prix restent élevés. La négociation s'engage alors à partir de ces trois valeurs.
Le juste prix sera souvent un « mix » entre les trois. Le rôle de l'agence sera d'être un médiateur et un pacifi cateur, pour que la discussion progresse dans l'intérêt des deux partis.
L'accompagnement
Le travail de l'agence commence par la rencontre du cédant et d'un accord sur le prix et les modalités de la vente. Ensuite, munie d'un mandat (simple ou exclusif), elle active son réseau d'acquéreurs et fait de la publicité autour du bien à vendre.
Les repreneurs sont sélectionnés avant d'être intermédiaire pour la transaction présentée au cédant. Après négociation, si les parties sont d'accord, elles s'engagent sur un compromis de vente, assorti de conditions suspensives.
Tout prévoir et tout écrire est la clé de la réussite d'une bonne transaction : la poursuite des baux, la valorisation des stocks et des cultures en terre, les prises de sang des animaux, etc.
Une fois le contrat signé, les démarches administratives s'enchaînent, pour se terminer par la signature chez le notaire. L'agence est payée au moment de la vente, en moyenne 4 à 6,5 % HT de la valeur de la transaction.
Conseil : PIERRE BROUSSEAU, responsable des transactions à Altéor Conseil (1)
« Etre très clair sur l'offre. Avant de mettre son exploitation en vente, le cédant doit avoir décidé les modalités de la vente : ce qu'il vend, sous quelle forme (parts sociales ou biens) et à quelle date. Une bonne préparation en amont permettra à l'acquéreur d'y voir clair.
Rester performant jusqu'au bout. La valeur de l'exploitation est en partie fonction de ses résultats des dernières années. Si le cédant diminue ses efforts et que l'excédent brut d'exploitation (EBE) chute, il aura du mal à convaincre un repreneur et un banquier de la valeur de son entreprise. Il faut rester attentif à la rentabilité jusqu'au bout ! »
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(1) L'agence, créée en 2006, travaille dans le grand-Ouest. 40 affaires traitées en 2012.
Conseil : ÉRIC BERNARD, associé fondateur de Quatuor Transactions (2)
« Maîtriser le foncier. La valeur d'une exploitation est fortement liée au nombre d'hectares associés. Pour le vendeur, il y a un gros enjeu à conserver une entité globale : pour les hectares en fermage, il aura intérêt à rencontrer tous ses propriétaires, pour les convaincre de signer un bail avec son repreneur.
Pouvoir valoriser les investissements. Avant d'investir, le cédant doit penser à l'intérêt du futur repreneur : comment utilisera-t-il le site ? le bâtiment ? le matériel ? Eviter les travaux "décoratifs", qui ne seront pas valorisés, ou le suréquipement qui alourdira la reprise. »
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(2) L'agence, créée en 2004, travaille dans l'ouest et sud-ouest de la France.
Témoin : JEAN-PIERRE LE DUIGOU, agriculteur retraité à Saint-Thurien (Finistère)
« De la souplesse pour trouver une entente »
« Lorsqu' ils terminent leur carrière, Jean-Pierre et son épouse Huguette Le Duigou sont à la tête d'une belle exploitation laitière dans le Finistère : 520.000 litres de lait, des vaches inscrites à l'Upra et une centaine d'hectares, dont les trois quarts en propriété. Les éleveurs n'ont pas trouvé de successeur. Deux ans avant de prendre leur retraite, ils décident de mettre en vente l'ensemble de l'exploitation, maison d'habitation incluse.
Pour acheter une affaire de cette importance, le candidat à la reprise doit avoir un apport considérable… « En juin 2010, nous avons fait appel à une agence spécialisée, pour profiter de son carnet d'adresses », racontent les éleveurs.
Après quelques visites sans suite, l'agence Quatuor transactions les met en relation avec un jeune couple de Hollandais, qui a récemment vendu son exploitation aux Pays-Bas. L'agence se charge de la traduction et les négociations commencent.
« A ce stade, il faut de la souplesse pour trouver une entente avec le repreneur, explique Jean-Pierre. Par exemple, la jeune famille a acquis deux maisons d'habitation, alors que nous envisagions, au départ, de n'en vendre qu'une. Et pour que ça entre dans leur budget, ils ont racheté moins de foncier que prévu. »
Finalement, cédants et repreneurs trouvent un accord et, en octobre 2011, signent un compromis. La vente a lieu en mars 2012. Les époux Le Duigou ont apprécié l'accompagnement d'un intermédiaire : « L'agence nous a incités à tout envisager et tout écrire : les conditions d'évaluation des stocks, les analyses de sang du troupeau… Tout formaliser aide à prévenir les litiges. »
Les bonnes relations que les deux parties entretiennent encore aujourd'hui semblent être la preuve de la réussite de la transaction !
Témoin : MATTHIEU DONVAL, éleveur dans le Finistère
« S'assurer de l'engagement du vendeur »
« A la fin de ses études, il y a cinq ans, Matthieu Donval se met en quête d'une exploitation laitière à reprendre dans le Finistère. Son projet est clair : il cherche une ferme dans un rayon de 15 km de celle de ses parents, pour regrouper les moyens de production et s'associer avec eux en Gaec.
En attendant, il est salarié de l'exploitation familiale. Sa recherche s'avère compliquée : les affaires sont rares et les candidats nombreux ! Matthieu essuiera plusieurs déconvenues. A quatre reprises, il s'engage dans des négociations pour reprendre une affaire, mais le projet tombe à l'eau.
« Au dernier moment, soit le vendeur changeait d'avis, soit un nouvel acheteur, plus offrant, entrait en course… C'était décourageant, confie Matthieu. Ici, la pression foncière est forte, dès qu'une affaire se libère, il y a une dizaine de candidats. »
Au cours de ces quatre années de recherche, il contacte l'agence Quatuor transactions et présente son projet. En novembre 2011, lorsqu'une exploitation de 500.000 litres de lait, avec un atelier porcin et une centaine d'hectares, est mise en vente dans son secteur, l'agence l'avertit aussitôt.
« Il fallait être rapide, une douzaine de personnes étaient potentiellement intéressées, poursuit Matthieu. J'ai visité l'exploitation et étudié la proposition. J'ai pu présenter un accord bancaire en dix jours, un temps record, parce que la banque connaissait le secteur et me faisait confiance. La négociation ne s'est pas faite en direct avec le cédant, l'agence faisait l'intermédiaire. Un mois et demi après la première visite, le compromis était signé.
Etablir un engagement qui prévoit des indemnités en cas de désistement est un gage de sérieux, ça limite le risque que le vendeur change d'avis à la dernière minute ! Sept mois plus tard, en juin 2012, je signais chez le notaire. » Ses conseils : être au clair et réactif et rencontrer les banques en amont d'un projet.