Plombé par une dette de 430 millions d'euros, Charles Doux déposait le bilan de son groupe volailler, le 1er juin, devant le tribunal de commerce de Quimper, dans le Finistère. A la surprise générale, y compris celle du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, et du ministère du Redressement productif, qui se penchaient sur le dossier. Début août, il obtenait gain de cause devant le tribunal de commerce : les offres de reprise coordonnées par le groupe Sofiprotéol étaient rejetées par les juges. Ces derniers acceptaient la poursuite du plan de redressement demandé par le patriarche. Ils assortissaient cette continuation de la cession d'un des trois pôles d'activité du groupe, le pôle frais, qui génère les plus lourdes pertes. Il sera cédé début septembre, tandis que Doux conservera les activités poulets export et produits élaborés. Toujours en période d'observation, le groupe poursuit son activité d'export et de découpe. Au terme de la vente du pôle frais, sa dette s'élève encore à 300 millions d'euros, dont une créance de 142 millions d'euros auprès de la Barclays, qui devrait voir cette créance convertie en capital.

L'avocat du groupe faisait le point devant le tribunal de commerce le 28 novembre, date prévue pour la fin de la période d'observation. L'exportation vers l'Arabie Saoudite, qui absorbe une grande part des exportations en poulets congelés, se tient bien. Doux, en discussion avec la grande distribution, espère aussi faire passer des augmentations de prix sur les produits élaborés. L'avocat annonce un chiffre d'affaires prévisionnel de 508 millions d'euros en 2013 et un résultat de 20 millions d'euros. Pour mener à bien les discussions avec la banque Barclays et avec la grande distribution, le groupe a obtenu une prolongation de trois mois de la période d'observation, jusqu'à fin février 2013.

DES ÉLEVEURS OUBLIÉS

Pourtant, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes avicoles. Plus de 1 000 salariés ont été licenciés à la fin de l'été et un plan de 89 suppressions d'emploi est en cours de discussion. Plusieurs sites, comme l'abattoir de Graincourt, dans le Nord, n'ont pas retrouvé de repreneur et sont aujourd'hui fermés.

Les éleveurs ne sont pas tous logés à la même enseigne. Le groupe, lors du dépôt de bilan, avouait une dette de 12 millions d'euros à l'égard des aviculteurs. Pour emporter malgré tout leur adhésion à son plan de continuation et non à celui de Sofiprotéol, Charles Doux n'avait pas hésité à promettre devant le tribunal de commerce le remboursement de 50 % des créances des éleveurs avant la fin du mois de septembre. Mais sur le terrain, la situation est contrastée. Soumis à la pression d'un groupe d'aviculteurs de Vendée, qui menaçaient de ne plus remplir leurs bâtiments si la promesse de Charles Doux n'était pas honorée à temps, le volailler a remboursé 50 % de la créance des aviculteurs de l'Ouest début octobre. Ce remboursement se divise en deux parties : 36 % sur la créance et 14 % d'avance de trésorerie prélevée sur le fonds de roulement du groupe.

Les éleveurs des autres régions ont dû batailler plus longtemps, pour des résultats très divers. Dans la région Centre, les aviculteurs ne font plus partie du groupe à la suite à la cession du pôle frais à Glon-Sanders. Ils ont dû attendre fin octobre pour que Doux leur règle seulement 36 % de leurs créances. Les éleveurs de Nord- Pas-de-Calais, Picardie et Ardennes ont attendu encore plus longtemps. Sur les 150 éleveurs de cette région, une centaine ont enfin été remboursés à hauteur de 50 % de leurs créances, à la mi-novembre. L'autre cinquantaine, adhérents au syndicat Nord volaille, attendent toujours le premier centime de règlement. Ils n'avaient pas de contrat d'intégration quand ils livraient le groupe Doux. Juridiquement, ils ne sont donc pas créanciers prioritaires. Ils espèrent cependant obtenir eux aussi 50 % de leurs créances.

La profession, par la voix de la CFA et de la FNSEA, demande un traitement égal pour tous les aviculteurs « et le règlement de la totalité de leurs créances », rappelle Joël Limouzin, en charge du dossier au syndicat majoritaire. Des réunions d'information sont proposées cette semaine aux aviculteurs, car le groupe Doux communique peu auprès des éleveurs.

LA DEMANDE EST LÀ

Qu'en est-il des poulaillers ? La conjoncture est favorable. Les élevages du grand Ouest qui produisent le poulet export tournent bien depuis septembre : bandes qui se suivent, qualité de l'aliment au rendez- vous après un été très difficile. Le marché est là. Même constat dans le Centre, avec des éleveurs qui produisent du poulet standard et du label. Les repreneurs des pôles frais ont programmé la rénovation des outils industriels. Dans la région Nord et Champagne-Ardennes, la situation est plus contrastée. Non repris lors de la cession du pôle frais, les éleveurs ont dû entreprendre la recherche de nouveaux partenaires. Ceux qui produisaient du poulet standard ont souvent retrouvé des contrats, parfois précaires, et remplissent leurs bâtiments.

Les producteurs de volaille label ont mis plus de temps à redémarrer. Ils produisent pour le marché de proximité. Ce sont eux aussi qui ont été les moins bien remboursés de leurs créances. Le ministre de l'Agroalimentaire, Guillaume Garot, en tournée dans l'Ouest le 10 décembre, a promis des mesures pour la filière volaille à la fin de l'hiver. Tout le monde l'attend au tournant.