Pour les trois principales races laitières ainsi que la pie rouge, le génotypage des femelles permet une évaluation officielle sur une quarantaine de caractères, plus fiable qu'une évaluation sur ascendance. « Avec la génomique, l'éleveur dispose d'informations plus précises, plus nombreuses et plus précoces sur ses génisses, se félicite Stéphane Barbier, de l'Unceia. Outre les caractères sur la production laitière, les cellules et la morphologie, il est possible d'estimer la fertilité ou la facilité de naissance. En parallèle, les coefficients de détermination (CD) sont plus élevés. »

DES CD ENTRE 0,5 ET 0,7

Pas besoin d'attendre la fin de la première lactation : trois mois après sa naissance, une jeune génisse peut obtenir des index dont les CD varient entre 0,5 et 0,7. Les producteurs ont donc tout intérêt à utiliser cette technologie, estime l'Unceia

Mieux gérer son renouvellement. « Si l'éleveur souhaite ne conserver qu'une partie des génisses, un tri basé sur l'index génomique sera plus fiable, illustre Romain Dassonneville, de l'Unité mixte de recherche Institut de l'élevage-Inra. A lui de choisir selon les caractères qu'il souhaite renforcer. Par exemple, il peut conserver en priorité les génisses avec de bons fonctionnels et les accoupler avec des taureaux très laitiers pour remonter leur niveau de production. Jusqu'à présent, il ne pouvait raisonner ses objectifs de sélection que par le choix du taureau. Désormais, il peut choisir aussi en fonction de la femelle. »

Raisonner les accouplements. Avec davantage d'informations, l'éleveur peut adapter le choix du taureau selon la génisse. Sur les meilleures femelles, il a intérêt à utiliser de la semence sexée. Sur les moins bonnes, il peut faire du croisement industriel pour améliorer son revenu par la vente des veaux croisés. Il accélère ainsi le progrès génétique. Si la longévité des vaches augmente, les frais d'élevage sont mieux amortis et le taux de renouvellement du troupeau baisse. Le progrès sur les fonctionnels réduira les frais vétérinaires et ceux liés à la reproduction. Les réformes subies pour cause de cellules, infertilité, etc. diminueront aussi.

Trier précocement. Aujourd'hui, les génisses sont sélectionnées pleines ou en fin de première lactation. « Avec la génomique, ces deux vagues de tri sont avancées à un stade plus précoce – moins d'un an –, avec une économie sur les frais d'élevage », souligne Stéphane Barbier.

Optimiser les produits animaux. Si la production de lait par vache s'accroît avec l'accélération du progrès génétique, la marge de l'atelier lait s'améliore, tout en libérant des surfaces fourragères au profit de cultures de vente. Par ailleurs, le prix des reproducteurs peut flamber s'ils possèdent d'excellents index génomiques. Lors de la vente aux enchères au Space 2011, à Rennes (Ille-et-Vilaine), une génisse avec 196 point d'Isu a trouvé preneur à 20 000 €.

Accroître la variabilité génétique de la race. Le génotypage peut bouleverser le classement des femelles et faire émerger de nouvelles familles. Il devrait donc augmenter la diversité génétique. Le es éleveurs laitiers risque de se focaliser sur quelques familles semble plus élevé lorsque le choix des génisses se fonde sur l'ascendance.

Adapter la conduite aux profils des vaches. L'alimentation peut être ajustée au potentiel de production, la première IA reculée si l'index facilité de naissance n'est pas bon, un soin particulier apporté lors de la traite pour les femelles dont les index mammites sont mauvais…

« Les utilisateurs de cette technique sont plutôt des « managers » avec des grands cheptels, observe Romain Dassonneville. Ils se focalisent sur les résultats économiques, raisonnent les accouplements qu'ils combinent avec l'utilisation de semence sexée. » « Ils ne sont pas forcément intensifs mais ils ont plutôt des gros troupeaux pour la région, avec des quotas de 300 000 à 800 000 l, confirme Emmanuelle Mariani, de la coopérative Codelia, en Haute- Loire. Au début, ils testaient la technique sur deux ou trois génisses. Aujourd'hui, ils sont passés à onze en moyenne. » Dans la zone Créavia, 500 producteurs des quatre races ont répondu, à raison de 10 prélèvements en moyenne.

A DÉMOCRATISER

Mais le coût reste un frein : il faut compter 80 à 100 € par analyse, avec des tarifs dégressifs selon le nombre de prélèvements. « Le prix est un élément clé de la démocratisation de la technique, estime Jean-Pierre Thébaud, de Créavia. Nous espérons une montée en puissance avec la baisse des tarifs. »

Pour que le génotypage ait un intérêt, la majorité des femelles du même âge doit être analysée. « La génomique est un outil de tri, insiste Stéphane Barbier. Si l'éleveur ne fait génotyper que quelques génisses, il n'a pas cette possibilité. » Alain Poux-Berthe, technicien à Jura-Bétail, complète : « Nous souhaitons que tous les éleveurs fassent du génotypage, pour l'intérêt génétique de leur propre élevage mais aussi dans l'intérêt collectif du programme de sélection. »