PRIORITÉS
En cas de victoire de votre parti, quelles sont les trois mesures que vous prendrez pour le secteur agricole ?
1° D'abord modifier la Pac en convaincant nos partenaires européens d'orienter les aides Pac de façon à les rendre plus efficaces sur les plans économique et social. Aujourd'hui, les aides dépendent du nombre d'hectares. Nous considérons que l'on doit intégrer la problématique de l'emploi. Le chômage est le problème n° 1 dans toute l'Union européenne aujourd'hui. Il faut soutenir les productions qui créent le plus d'emplois. Les aides pourraient être versées en fonction du nombre d'unités de travail au sein d'une exploitation. En maraîchage par exemple, sur de petites surfaces, on a souvent plusieurs salariés. Or ces gens ne sont pas aidés en fonction de leur nombre de salariés. Nous souhaitons un croisement entre les critères de surface et d'emploi, qui rendrait les aides plus efficaces et plus justes. L'agriculture peut être un gisement d'emplois considérable. Et une meilleure répartition des aides peut aider à stopper ou freiner l'hémorragie du monde agricole.
2° Mettre en place des contrats collectifs de filières. Aujourd'hui, la contractualisation prévue par la loi de modernisation agricole montre ses limites car les producteurs sont livrés seuls face à leur acheteur pour signer un contrat. Nous pensons qu'il faut donner la possibilité de négocier les contrats collectivement. Que la loi permette aux producteurs de se regrouper et, partout où c'est possible, que ces contrats deviennent des contrats de filière. Il n'est pas normal que ce soit celui qui apporte la matière première et qui permet à la filière d'exister qui soit toujours lésé.
3° Engager un plan national de relocalisation de la production, à partir de la restauration collective. L'enjeu est très important : il s'agit de plusieurs dizaines de milliers de repas par an. La restauration collective représente 30 % de la viande bovine servie en France. Et sur ces 30 %, 90 % sont importés. D'où l'intérêt économique de la relocalisation et du rapprochement entre producteurs et consommateurs. Aujourd'hui plusieurs régions s'engagent, mais si l'on veut intensifier ces démarches, cela demande un vrai travail. Il faut un plan national, impulsé par l'Etat et mis en oeuvre avec les élus locaux et l'ensemble des établissements scolaires, hospitaliers...
ENVIRONNEMENT
Faut-il encore verdir la politique agricole et si oui, de quelle façon ?
Nous ne pouvons pas continuer avec le modèle d'après-guerre où on a demandé à l'agriculture d'être extrêmement productive sans trop se soucier des problèmes environnementaux. L'agriculture moderne sera extrêmement performante en matière de productivité mais appliquera des méthodes alternatives plus respectueuses de l'environnement. La France ne peut pas rester championne d'Europe de l'utilisation des pesticides. Et le rôle des pouvoirs publics est de soutenir la production agricole qui s'est engagée dans cette mutation. Il faut encourager l'enseignement agricole afin qu'il puisse s'adapter à la réalité d'aujourd'hui. Sur le terrain, on voit aussi que la profession elle-même travaille là-dessus.
Nous ne sommes pas choqués qu'une partie des aides soit soumise au verdissement. Mais les mesures annoncées doivent être à notre avis précisées. Par exemple, concernant l'obligation de maintien des prairies permanentes, nous pensons qu'il devrait être possible pour un éleveur de réserver une partie de ses terres pour faire des céréales pour nourrir son troupeau.
SOUTIENS
Faut-il aider l'agriculture ? Par quels moyens et à quelles conditions ?
Il faut aider l'agriculture, absolument. François Hollande s'est engagé à maintenir un haut niveau de budget consacré à la Pac. Dans le monde, chaque pays ou groupe de pays a le droit d'assurer à la fois sa sécurité alimentaire et sa souveraineté alimentaire ; pour cela, l'Europe doit soutenir son agriculture.
Pour que les aides soient légitimes et acceptées par la société, elles doivent être réparties de façon juste et être efficaces sur les plans économique et social. Il faut aussi que l'agriculture puisse assurer à nos concitoyens des produits à la fois sains et de qualité. Et que les activités de l'agriculture ne portent pas atteinte à l'environnement. On est là au coeur de l'idée de développement durable avec des volets économique, écologique et social.
Nous avons placé l'agriculture au coeur de notre « pacte productif ». Nous considérons qu'il faut encourager et soutenir non pas une mais des agricultures de production – les grandes filières, mais aussi les filières diversifiées, liées à un terroir, sous label, etc. Toutes les agricultures doivent se respecter ; elles peuvent être, les unes et les autres, durables et performantes.
COMPÉTITIVITÉ
La course à la compétitivité doit-elle être soutenue ? Quelles mesures serez-vous prêt à prendre dans ce sens ?
La compétitivité bien évidemment doit être soutenue.
D'abord en travaillant à l'intérieur de l'Union européenne à l'harmonisation fiscale, sociale et environnementale. Il faut que les règles de la concurrence soient des règles loyales. Il n'est pas acceptable aujourd'hui qu'entre pays de l'Union européenne, les règles sociales ne soient pas harmonisées. Aujourd'hui en Allemagne, un million de salariés ne gagnent pas 5 € de l'heure, et deux millions ne gagnent pas 6 € de l'heure. Il en va de même pour les normes sanitaires et environnementales. Certains produits utilisés en Espagne sont interdits en France : ce n'est pas normal.
Ensuite, il y a des gains de productivité à faire en interne, dans les exploitations. La sécheresse a révélé que les exploitations qui ont le mieux résisté étaient les plus autonomes en intrants et en alimentation animale. Ce sont ces modes de production qu'il faut encourager.
Il faut encourager et soutenir la recherche et l'innovation, y compris dans les méthodes culturales et modes d'exploitation. Dans de nombreux secteurs, la France est terre d'excellence et elle doit le rester.
RELOCALISATION
La sécurité alimentaire passe-t-elle par la relocalisation de la production agricole ? Jusqu'où doit-elle aller ?
Il est dangereux de considérer qu'on pourrait aller sur le marché mondial acheter au meilleur prix, et à la limite abandonner la production agricole. Nous pensons qu'il faut assurer en Europe (non pas en France) le maximum de la production nécessaire pour les Européens. Nous avons la chance d'avoir les sols et le climat qui le permettent. Il le faut pour des raisons de sécurité et souveraineté alimentaire, mais aussi pour des raisons économiques – pour ne pas reproduire ce qui s'est passé pour l'industrie – et d'aménagement du territoire. Notre intérêt général est d'assurer une production agricole de haut niveau sur notre territoire. D'autant que le secteur agroalimentaire est l'un des seuls secteurs bénéficiaires.
Nous pensons aussi que dans l'avenir il faudra limiter les déplacements inutiles : faire traverser la Terre à des productions qui peuvent être assurées en Europe n'a pas de sens. Nous défendons l'idée de la relocalisation sur le plan mondial, car il faut produite là où les gens ont faim.
FONCIER
L'usage des terres doit-il être réservé à la production alimentaire, ou faut-il en réserver une part pour les débouchés énergétiques et la préservation de la biodiversité ?
Globalement, les terres agricoles doivent être réservées à la production alimentaire : c'est la priorité des priorités. Nous ne sommes pas favorables au développement des grandes surfaces réservées aux biocarburants. Aujourd'hui, on voit que cette filière s'essouffle, son bilan en carbone est mitigé. Nous engagerons une loi foncière pour mieux protéger les espaces agricoles qu'ils ne le sont aujourd'hui. En matière d'urbanisme, il faut trouver des solutions pour redensifier les villes et éviter l'étalement sans fin autour des agglomérations. Et il y a des hectares et des hectares de parking autour des zones commerciales, alors qu'on pourrait faire des parkings souterrains ou en hauteur.
Cette loi foncière renforcera aussi les outils de régulation foncière comme les Safer tout en donnant plus de poids aux collectivités. Aujourd'hui, les revenus insuffisants ne permettent pas d'installer des jeunes et ceux qui veulent s'installer hors cadre familial ont du mal à accéder au foncier. Il faut leur permettre d'accéder au foncier sous des formes locatives. Les Safer n'ont plus les moyens de mettre des terres en réserve pour l'installation. Nous voulons que les collectivités puissent préempter et mettre des terres en réserve pour l'installation, et qu'elles reconstituent des ceintures vertes autour des villes – en lien avec notre plan de relocalisation, pour alimenter la restauration collective.