« Nous avons réaménagé le magasin pour suivre l'ordre logique d'achat d'un client qui préparerait un repas. » Lionel Boidard, apiculteur, a fait partie de l'aventure de Patur'Ain dès sa création en 2004. Ce point de vente collectif (PVC) situé à Château- Gaillard (Ain) réunit onze producteurs. « Je me suis installé à 20 kilomètres d'ici en 2001. Et je m'étais promis de quitter dès que possible les grandes surfaces que je livrais, et leur habitude d'exiger de livrer sur l'heure une palette de miel. »

Aujourd'hui, Lionel vend sur les marchés et livre deux magasins de producteurs. La France en compte 200 et la région Rhône-Alpes 67 à elle seule. Selon Laurent Remilleux, responsable du dossier à la chambre d'agriculture régionale, « il reste peu d'emplacements à occuper en Rhône- Alpes, pour ne pas entrer en secteur de concurrence entre magasins. Mais les existants ont toute leur place, avec une croissance de leur chiffre d'affaires de 10 % par an. »

Terre d'envies, qui fédère 23 PVC dans cette région, a rédigé une charte commune, sans cesse rénovée. Son leitmotiv pourrait se résumer ainsi : des produits de ferme, sains, de saison et de qualité, vendus sans intermédiaires, et la présence dans le magasin d'au moins un producteur.

EN ZONE COMMERCIALE

La plupart de ces magasins, à l'instar de Patur'Ain, ont délaissé les coeurs de village pour s'installer là où va la clientèle, dans les zones commerciales, ou le long des routes facilement accessibles, dotées de parkings adaptés. Reynald Groban, producteur de porcs et président de Patur'Ain, poursuit : « Chaque magasin a sa personnalité propre. Avant de se lancer, il faut observer sa clientèle, s'adapter à son environnement. Ici, nous avons choisi un rond-point à la sortie de l'autoroute A42. Elle est empruntée tous les jours par des gens qui vont au travail, et des touristes qui rejoignent les stations de ski. Nous avons travaillé avec Guillaume Petit, un conseiller expérimenté de la chambre d'agriculture, et nous avons choisi de viser la clientèle quotidienne, même si les touristes s'arrêtent aussi. » S'ils ont soigneusement étudié leur clientèle, les producteurs regrettent d'avoir délégué un peu trop la construction du magasin. « Nous avons fait trop confiance à l'architecte, regrette Reynald Groban. Il a construit le magasin comme une maison d'habitation. Vu de l'extérieur, il n'est pas spontanément identifié comme un commerce. »

Les règles de vie du magasin reposent sur la charte de Terre d'envies : pas de revente, une information claire sur chaque producteur et, toujours, un producteur présent dans le magasin.

« Chaque associé est présent entre trois et huit demi-journées par mois, selon le chiffre d'affaires et sa disponibilité, poursuit le producteur. Le magasin est la prolongation de nos exploitations. »

Lionel Boidart a suivi une formation de marketing proposée par Terre d'envies. « Nous avons revu l'aménagement intérieur. Les légumes et les fruits sont positionnés sur un îlot central, c'est le produit d'appel indispensable. » Et Reynald Groban d'ajouter : « Lorsque notre précédent maraîcher nous a quittés, notre chiffre d'affaires a chuté de 30 % pendant six mois. Or, en octobre, notre actuel maraîcher bio nous quitte. Il a accepté la proposition d'une Amap, à côté de chez lui. Les maraîchers sont très demandés. Et nous ne pouvons pas nous passer de légumes. Nous sommes en discussion avec un jeune installé à 3 km. Fournir le magasin lui demande un saut quantitatif non négligeable. Nous étudions avec lui une montée en puissance progressive. »

Le président de Patur'Ain détaille ainsi son credo pour les prix : « Nous sommes un peu moins chers qu'un bon boucher, sans rivaliser avec la grande distribution. Mais nous ne devons pas passer pour un magasin trop cher. » Le chiffre d'affaires du magasin a progressé de 20 % en un an. « Nous avons démarré à 370 000 €, pour dépasser désormais 640 000 €, ajoute Reynald Groban. Notre potentiel est de 1 million. Le développement est encore possible si nous communiquons : dans le nouveau lotissement de 500 maisons, proche du magasin, seule une famille sur quatre nous connaît.