L'herbe est une culture à part entière, annonce d'emblée Christophe Bouterige, éleveur à Paslières, dans le Puy-de-Dôme. Depuis 2008, je ne cultive pratiquement plus que ça. Mes parents ont cessé la production laitière cette année-là. J'ai repris leur terre et agrandi mon troupeau limousin jusqu'à 120 têtes. »
Aujourd'hui, l'exploitation, située entre 300 et 500 mètres d'altitude, compte 174 ha de prairies, dont la moitié est permanente. Certaines parcelles sont inondables et en pente mais beaucoup sont « mécanisables ». « La production d'herbe convient mieux au potentiel de mon exploitation que celle de blé, dont les rendements culminent à 40 q/ha, assure Christophe. Les prairies permanentes sont en zones inondables. Cela ne m'empêche pas de profiter de leur potentiel. Elles jouent un rôle tampon au sein du parcellaire. La pousse de l'herbe est plus lente. Leur exploitation peut souvent attendre quelques jours. »
La conduite des deux types de prairie forme un duo gagnant. Surtout depuis 2009, lorsque Christophe adopté une technique pour mieux gérer la pousse de l'herbe. « La première année, nous avons mesuré la production printanière de l'herbe avec Stéphane Violleau, le technicien de la chambre d'agriculture. Cela afin de calculer précisément le stock sur pied et les jours de pâturage d'avance. Cette méthode m'a permis d'ajuster le pâturage et de limiter le gaspillage. »
UNE SORTIE PRÉCOCE
Sur le plan pratique, Christophe divise le troupeau en cinq lots. Il affecte chacun d'eux à un îlot de l'exploitation. Ces derniers sont composés de prairies temporaires, principalement consacrées aux stocks, et de prairies permanentes, plutôt destinées à la pâture. à titre d'exemple, cette année, l'îlot de 35 ha situé à 2 km du siège de l'exploitation accueille 35 vaches avec les veaux mâles. Il comprend à parts égales des prairies permanentes et temporaires. Les permanentes sont déprimées le plus tôt possible. Les temporaires sont récoltées dès la mi-mai en ensilage. « C'est la portance du sol qui me guide pour la date de la mise à l'herbe, ajoute Christophe. Cette année, c'était très tôt, vers le 10 mars, soit un mois plus tôt que d'habitude pour la région. Du coup, j'ai économisé un mois de stock. »
Au début du printemps, même si la pousse de l'herbe est peu abondante, il reste suffisamment de refus de l'année précédente. Les animaux nettoient les parcelles. « Avec cette méthode, j'ai acquis de nouveaux repères. Les animaux pâturent beaucoup plus ras qu'avant et leurs besoins sont toujours couverts. »
DES CROISSANCES AMELIORÉES
Les animaux passent le reste du printemps sur les 17 ha de prairies permanentes. Celles-ci sont divisées en quatre parcelles. Les animaux changent de paddock tous les sept jours. « Je me rapproche de l'idéal, où la rotation s'effectue tous les cinq jours, explique-t-il. Passé ce délai, les animaux reviennent sur les zones qu'ils ont déjà pâturé. Comme ce fourrage, plus jeune, est plus appétent que le reste de l'herbe, les animaux le consomment en priorité. Ce qui provoque surpâturage et refus. En dépassant de deux jours, le phénomène reste limité. Les bovins reviennent donc tous les 28 jours sur les parcelles. L'herbe mesure environ 10 cm à l'entrée. « Au début, j'avais l'impression que mes animaux ne disposaient pas de stocks suffisants en fin de séjour, avoue Christophe. Mais c'est faux. La croissance des veaux en témoigne. Même si je ne la mesure pas précisément, je sèvre mes broutards un mois plus tôt depuis que j'ai adopté cette conduite. »
Jusqu'à la mi-mai, tout s'est déroulé comme en 2009 et 2010. Cette année, avec la sécheresse, la pousse de l'herbe est ralentie. « J'ai retiré comme à l'accoutumée l'un des paddocks des prairies permanentes, décrit Christophe. Début mai, les graminées étaient épiées et le couvert clairsemé. D'habitude, je récolte jusqu'à 4 t de MS sur ces surfaces. Cette année, le rendement sera sûrement inférieur.
A cause de la sécheresse, il manque 30 % d'ensilage d'herbe par rapport aux années précédentes, la deuxième coupe risque aussi d'en pâtir. L'autonomie de l'exploitation ne sera vraisemblablement pas remise en cause. Depuis deux ans, le stock de sécurité est important. Lors du dernier hiver, par exemple, le troupeau a consommé 458 t de MS sur les 600 t stockées. Christophe a ainsi vendu le surplus en foin et conforté sa trésorerie.
UNE VÉGÉTATION PLUS DENSE
Avec cette nouvelle gestion, la physionomie des prairies permanentes a évolué. « Le trèfle est plus abondant, constate Christophe. Il a beaucoup plus accès à la lumière. Ce qui favorise son développement. » Des espèces moins désirables comme le rumex ou les joncs restent présentes. Elles sont limitées par un broyage d'automne. Globalement, le couvert des prairies pâturées s'est densifié. La réserve d'eau du sol est donc mieux protégée et la prairie mieux armée pour faire face à la sécheresse. En tout cas, l'herbe suffisait jusqu'à présent pour nourrir le troupeau, y compris en été.
En l'absence de climat très perturbé, l'ensemble des prairies offre un bon niveau de production. « D'ailleurs, si les temporaires restent à leur niveau, je ne les retournerai pas, assure Christophe. Dans ce cas, il faudrait que notre réglementation soit moins figée. »