Les élections MSA, qui se sont clôturées le 20 janvier, ont mobilisé 39 % des adhérents. « Un taux satisfaisant », estime Gérard Pelhâte, président de la Caisse centrale. Le syndicat de salariés Fnaf-CGT y voit au contraire « un sérieux désaveu des milieux dirigeants de la MSA ». La participation est en effet en baisse de dix points pour chaque collège par rapport aux dernières élections de 2005, où elle avait atteint le record de 50,26 %.
« Le contexte était différent, tient à rappeler Gérard Pelhâte. En 2005, nous venions de mettre en place le scrutin par correspondance et avions profité des avancées sociales obtenues par la MSA. » L'optimisme aurait aujourd'hui fait place au désenchantement : « Nos ressortissants se rendent bien compte que nous ne sommes plus à l'heure des améliorations de la protection sociale, mais du maintien des acquis. Cela a pu jouer sur leur mobilisation. »
Pour autant, les résultats du scrutin restent bien meilleurs que ceux d'autres élections professionnelles, comme les prud'hommes. Ce qui, pour Gérard Pelhâte, confirme la légitimité d'un organisme de protection sociale spécifique à l'agriculture : « Un système indépendant accepté par les pouvoirs publics, qui permet à la base de faire entendre ses revendications, est indispensable. Surtout pour relever les défis qui se dressent cette année. »
Le défi des retraites
Le grand rendez-vous pour la MSA est fixé au printemps de 2010, avec la réforme des retraites voulue par Nicolas Sarkozy. A entendre le président de la République, il ne devrait pas y avoir de gros bouleversements. « L'objectif général est de sauver le système de retraite par répartition », confirme Yves Censi, député (UMP) de l'Aveyron.
Le vrai défi pour le gouvernement sera de régler le problème du financement du régime des retraites. Il manque en effet « 1,3 milliard d'euros » à la MSA pour retrouver l'équilibre financier. Quatre leviers peuvent être manoeuvrés : repousser l'âge du départ en retraite, augmenter les cotisations, rallonger la durée de cotisation ou diminuer les pensions.
Le président de la République a d'ores et déjà annoncé qu'il ne toucherait pas au niveau des pensions, préférant influer sur la durée du travail. Par ailleurs, « l'enjeu principal est d'atteindre 80 % du Smic pour les retraites agricoles, rappelle Yves Censi. Il n'est donc pas question de diminuer le niveau des prestations. »
Gérard Pelhâte considère quant à lui que l'on pourra « difficilement augmenter les taux de cotisation, déjà élevés, pour assurer le financement. Il faut donc jouer sur la durée de cotisation, tout en avançant sur la question de la pénibilité ». Le Conseil d'orientation des retraites devrait rendre un rapport sur les prévisions financières en avril, une fois les élections régionales passées.
La Fnaf-CGT s'attend à « de mauvais coups » contre les salariés et se prépare à livrer « des batailles féroces dans la rue pour ne pas voir remises en cause les périodes de cotisation, fait savoir un militant. Edwina Lamoureux, secrétaire nationale de la FGA-CFDT, souhaite quant à elle que « chaque salarié puisse bénéficier d'un départ en retraite à la carte.
Il faut également réduire les inégalités entre les polypensionnés, qui dépendent de plusieurs régimes de retraite à la fois, et les autres ». Une solution possible serait d'adosser le régime agricole au régime général, ce qui ne serait pas sans irriter la profession.
Trouver un financement pour la protection sociale
Derrière l'enjeu des retraites se dessine un défi plus large : le financement de la protection sociale. « Le régime tel qu'il est conçu pénalise les entreprises, insiste Gérard Pelhâte. Les prestations dues au titre de l'assurance maladie et des allocations familiales sont universelles. Le financement devrait donc être lui aussi universel et ne pas alourdir le coût du travail. »
Le président de la MSA relance à cette occasion l'idée d'une TVA sociale pour remplacer les charges patronales qui « pèsent sur la compétitivité ». Les syndicats de salariés estiment en revanche qu'un « financement durable passe par l'augmentation de la part patronale des cotisations sociales et l'arrêt des exonérations de cotisation ».
La question est aussi sensible que sa réponse urgente. « Le financement de la protection sociale est un débat persistant, mais crucial en sortie de crise, résume Yves Censi. Il est très difficile de faire entendre la voix des agriculteurs pour défendre leur régime minoritaire. D'où la nécessité d'une mobilisation combative ! »
A la MSA, maintenant, de se transformer en «?outil de lobbying?» pour se faire entendre des pouvoirs publics.
La retraite complémentaire en ligne de mireLa réforme des retraites pourrait être l'occasion d'étendre la retraite complémentaire obligatoire (RCO) aux conjoints et aides familiaux. Une proposition de loi en ce sens a été rejetée par l'Assemblée nationale le 26 janvier. Selon Germinal Peiro, député socialiste à l'initiative de la proposition, cette mesure aurait concerné « 363 000 conjoints et aides familiaux », pour un coût de « 130 millions d'euros ». En même temps que l'extension du dispositif, c'est la question de l'augmentation du taux de cotisation RCO pour les exploitants qui risque de se poser. Il est actuellement de 2,97 %, indique Gérard Pelhâte. En comparaison, celui des salariés est de 7,50 % ! » Une telle augmentation serait moyennement appréciée par des agriculteurs qui peinent à se relever de la crise. |
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Avis : YVES CENSI, député de l'Aveyron (UMP), ex-président du comité de surveillance du Ffipsa (*)
Pas de soumission au régime général !
La protection sociale agricole est-elle menacée aujourd'hui ?
Yves Censi : Il existe un courant important qui prône la fin d'un régime agricole particulier et l'unification totale de la protection sociale. On retrouve toujours la même confrontation, entre un régime sous tutelle du ministère de l'Agriculture qui décide avec les MSA de ses propres orientations, et une MSA sous la tutelle de Bercy, intégrée au régime général, réduite à un simple rôle de gestion.
Il y a en France une idéologie de la bureaucratie uniforme, pourtant sans aucun bénéfice économique. Maintenir une protection sociale agricole revêt une dimension stratégique importante. La MSA a encore un rôle majeur à jouer pour faire entendre la voix des agriculteurs.
La réforme des retraites annonce-t-elle un adossement du régime agricole au régime général ?
Le débat sur les retraites est indispensable. C'est une opportunité exceptionnelle pour remettre à plat le système de financement, notamment l'augmentation des retraites actuelles. Mais je ne voudrais pas que ce soit un prétexte à l'intégration au régime général. Ce n'est pas une solution financière en soi?! Il faut reconnaître au régime agricole la capacité de gérer lui-même l'ensemble de ses branches.
Quelles autres solutions peut-on envisager pour financer les retraites ?
La priorité est de globalement conserver la parité de cotisations et prestations avec le régime général, et de continuer à faire appel à la solidarité nationale. Ce n'est pas faire aumône aux agriculteurs ! Le régime agricole doit pouvoir bénéficier des transferts sociaux comme chaque travailleur, quel que soit son régime.
Avec l'augmentation de la durée de vie, il faudra s'interroger sur le rallongement de la durée de cotisation, mais en respectant la question de la pénibilité du travail et sa précocité. Et, pourquoi pas, recourir à des systèmes assuranciels et mutualistes complémentaires innovants.
Le débat à ce sujet devra être ouvert. A côté de ces mesures, il faudra absolument encourager le développement de l'emploi en agriculture, source de cotisations.
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(*) Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, supprimé en janvier 2009.