« Cela fait dix ans que j'ai repris en main la mise en marché de mes productions, se rappelle Jean-Luc Secrétain, chef d'une exploitation céréalière de 170 hectares, à Trizay-Coutretot-Saint-Serge, dans l'Eure-et-Loir. Je me suis rendu compte que ce que savaient faire les organismes stockeurs, je pouvais tout aussi bien le faire moi-même. » Aujourd'hui, Jean-Luc adosse la quasi-totalité de ses ventes sur les marchés à terme, y compris le blé dur.

« Si on est rigoureux, il n'y a pas de problème. Il ne faut jamais oublier de faire correspondre la marchandise physique aux transactions effectuées sur les marchés à terme. Autrement, on ne fait plus de la couverture de risque de prix, on fait de la spéculation », met en garde l'agriculteur, avec le recul de près de dix ans d'expérience.

« Je passe environ une heure et demie par jour au suivi et à l'analyse des marchés sur internet », note- t-il. Une astreinte qu'il partage avec sa femme, formée elle aussi à la mise en marché. « Je ne vois pas cela comme une contrainte, cela fait partie du métier. Le ris- que, c'est de ne plus pouvoir se passer d'internet. Nous avons eu l'ADSL en avril, mais j'ai conservé mon abonnement 3G, qui m'a déjà été bien utile lorsqu'il y a eu des pannes de l'ADSL. En revanche, je refuse de prendre un smartphone. J'ai peur de ne plus pouvoir décrocher », souligne Jean-Luc.

« Quand le prix de seuil est atteint (celui qui permet d'assurer un revenu, NDLR), soit on vend sur les marchés physiques, soit on vend sur les marchés à terme. Si les coûts de production ne sont pas atteints, on stocke et on attend », résume l'agriculteur, qui complète sa stratégie par l'utilisation d'options de type « call » et « put » lorsque cela se justifie. Les options sont une sorte d'assurance à la hausse ou à la baisse des cours.

Moins de stress 

Une fois que son prix de vente est fixé sur le marché à terme, le seul élément qui peut encore le faire varier, c'est sa base (lire l'infographie page suivante). Afin qu'elle soit la plus faible possible, il n'hésite pas à mettre en concurrence ses sept acheteurs potentiels (coopératives, courtiers... ).

« Quand la proposition de prix d'un organisme collecteur conduit à une base élevée, souvent cela signifie qu'il n'a pas besoin de marchan- dise. A l'inverse, un acheteur qui propose une base réduite a des besoins importants », analyse Jean-Luc Secrétain. L'exploitant a tendance à généraliser l'utilisation des marchés à terme. Cet outil a l'avantage de ne pas engager l'agriculteur sur une qualité pré- cise, à l'inverse de la plupart des contrats de vente avant récolte. C'est du stress en moins, qui lui permet aussi de simplifier le travail au champ. Il ne cultive quasiment qu'une seule variété, Isengrain, qu'il connaît par coeur et qui est bien adaptée à ses terres du Perche.

« Si, sur certains lots, j'ai une qualité inférieure à d'habitude, ce n'est pas un problème, car je ne suis pas engagé à l'avance sur une qualité précise », apprécie Jean-Luc. Sa base (infographie ci-dessus), le jour où il débloquera son physique, sera simplement plus importante. Ce qu'il a perdu à cause de la qualité, il sait qu'il l'a gagné en simplification du travail et donc en sérénité.

 

 

 

Maximser ses revenus en agissant sur la base producteur

 

 

30663_1.jpg?uuid=6e848cec-8cf7-11e5-be8b-fdc2880c738d

 

Fixer le prix du blé dur 

Il n'existe pas de marché à terme pour le blé dur, mais Jean-Luc Secrétain utilise malgré tout celui du blé tendre pour arbitrer cette culture, qu'il sème au printemps, dans ses terres argilo-calcaires, ayant une assez bonne structure, pour semer précocement. « Le marché du blé dur n'est corrélé qu'à 70 % avec celui du blé tendre, mais c'est mieux que rien », explique l'exploitant. Une fois la position prise, il faudra avoir le nez fin pour gérer la base (voir infographie), qui varie d'autant plus que le blé dur est un marché lié à des fondamentaux (offre, demande et stocks) différents de ce- lui du blé meunier.

Ces dernières semaines, les prix des céréales ont commencé à se réchauffer. Mi-juillet, les prix du blé avaient gagné 8 E/t. Une volatilité que Jean-Luc juge excessive : « Ce n'est pas raisonnable de voir le blé varier de 5 % au cours de la même journée. » Mais ces variations, il peut les aborder sereinement. A ce moment, son stock de 2009 avait déjà été vendu au prix de seuil, et sa récolte 2010 n'était alors toujours pas engagée. Il peut donc espérer profi- ter de cette hausse. Tout dépendra de son analyse.

« Ce n'est pas l'agriculteur qui fait le marché, c'est le marché qui fait l'agriculteur », formule Jean-Luc. Une leçon d'humilité, qui invite le producteur à ne pas agir en fonction de son propre sentiment, mais en fonction d'éléments tangibles. Bien sûr, pour aller vers la mise en marché de ses céréales, il faut se former. Jean-Luc ne dira pas le contraire, lui qui est président d'un « club marché » qui regroupe dix-sept exploitants auprès d'Offre et demande agricole. « Mais deux jours de formation suffisent pour savoir mettre en marché sa production », insiste-t-il.

 

Stockage : un système simple et efficace.

« J'ai de quoi stocker 150 % de ma production, assure Jean-Luc Secrétain. J'ai été séduit par la simplicité et l'efficacité du système Westeel. J'ai été l'un des premiers à importer ce système en France. La ventilation se fait par le bas sur toute la surface au sol. Le déchargement est très rapide et comparable aux débits de certains collecteurs. »

La température des cellules est enregistrée tout le long du volume de grain. L'historique des températures est enregistré automatiquement, et disponible directement au silo via un boîtier électronique branché sur le système de mesure. « C'est un atout, car cela permet de montrer patte blanche lors de la visite d'un acheteur. Je n'utilise aucun insecticide de stockage », se félicite Jean-Luc.