L'avenir de la Pac après 2013 se joue cette année. La nouvelle Commission européenne doit présenter, à l'automne, sa proposition de réforme. Les présidences successives du Conseil des ministres de l'Agriculture tentent d'influencer le débat.
Le 22 février, l'Espagne a lancé la réflexion sur les outils de gestion du marché. Pour elle, le manque de ressources financières ne doit pas empêcher l'Union européenne (UE) de se doter d'outils efficaces pour stabiliser les marchés agricoles.
Rappelant que la volatilité des prix a un impact négatif sur l'économie tout entière, l'Espagne propose d'examiner des instruments complémentaires à ceux fournis par l'OCM unique et de soumettre les importateurs aux mêmes exigences en matière sanitaire, environnementale ou de bien-être animal que celles imposées aux agriculteurs européens.
Elle propose aussi de se pencher sur l'assurance revenu, l'organisation des filières et un mécanisme financier flexible qui permettrait de répondre rapidement à des crises sérieuses.
La France s'est dite favorable au recours à une « clause de sauvegarde généralisée » (NDLR : clause qui autorise une restriction des importations lorsque la situation le justifie), sur le modèle du mécanisme utilisé en Europe contre la maladie de la vache folle.
Un outil flexible
L'UE a besoin de « mécanismes de régulation nouveaux, plus flexibles, plus rapides et ouverts à tous les secteurs agricoles », a souligné Bruno Le Maire, sans toutefois préciser lesquels.
En rupture avec le langage de son prédécesseur, le nouveau commissaire européen à l'Agriculture, Dacian Ciolos, s'est montré ouvert, promettant de « réfléchir aux instruments les mieux appropriés dans le cadre de perspectives de marché plus incertaines et de plus grande volatilité des prix ».
Quelques jours plus tôt, devant le syndicat européen Copa-Cogeca, il avait aussi annoncé le lancement au printemps d'une large consultation des organisations agricoles, du Parlement européen et de la société civile.
« Il ne faut pas laisser l'impression que la Pac n'est que pour les agriculteurs », a-t-il déclaré. En France, la société civile s'est organisée. Une quinzaine d'organisations environnementales et de mouvements ruraux se sont regroupés pour former le Groupe Pac 2013 et faire entendre leur conception de l'agriculture (lire l'encadré ci-dessous).
Grains : l'exportation ne sera pas aidéeBruxelles a rejeté la demande de la France de prendre des mesures exceptionnelles pour alléger en 2010 le marché européen des grains et soutenir les prix. Dacian Ciolos estime que la mise en place de restitutions (1) à l'exportation est injustifiée à ce stade. Bruno Le Maire avait réclamé que la Commission européenne « prenne les mesures nécessaires pour redresser le marché des céréales, qui est dans une situation difficile. La France a mis en garde l'autorité bruxelloise des effets négatifs des prix bas sur la « viabilité de nombreuses exploitations céréalières ». _____ (1) Mécanisme qui consiste à subventionner les exportations en maintenant des prix artificiellement attractifs pour permettre l'écoulement des surplus. |
La société civile prône l'agroécologieMarc Dufumier, agronome et membre de la Fondation Nicolas Hulot, une organisation du Groupe Pac 2013, défend une révolution technique agricole inspirée de l'agroécologie. « Elle permettrait de mettre fin à la stigmatisation des agriculteurs en corrigeant le tir en matière de pollution et de qualité sanitaire et nutritionnelle des aliments », explique-t-il. Cette agriculture, qui ferait un usage intensif des ressources renouvelables, serait plus diversifiée, plus artisanale et nécessiterait aussi plus de travail. Un travail que le Groupe Pac 2013 veut bien rémunérer. « Il faut utiliser les 9,5 milliards d'euros du premier pilier (soutiens au marché) pour payer les services rendus à l'environnement. » S'il est aisé de connaître le prix de dépollution d'une eau et donc de calculer l'aide à verser aux agriculteurs de façon préventive, il est aujourd'hui impossible de chiffrer les dommages causés à la biodiversité. « Pour autant, il faut fixer un chiffre de façon politique. » Quant aux produits à haute valeur ajoutée, le Groupe Pac 2013 prône une rémunération par le prix. « Des aides pourraient être octroyées à la restauration collective qui signerait un cahier des charges avec les producteurs des alentours pour une production de qualité. Il faudrait s'entendre sur un volume croissant pour que le nombre d'agriculteurs qui se reconvertissent vers une agriculture écologiquement intensive croisse également », précise Marc Dufumier. |
• Visionnez l'intervention de Marc Dufumier et de Samuel Féret, coordinateur du Groupe Pac 2013.