Invitée prévisible du Space, la grève du lait a réussi à faire l'actualité. Jean-Michel Lemétayer et Bruno Le Maire en ont fait les frais le 15 septembre, jour de l'inauguration du salon. Plusieurs centaines de producteurs de l'Apli (1), de l'OPL et de la Confédération paysanne, qu'ils soient grévistes ou en soutien au mouvement, sont venus les chahuter.
Pascal Massol, le président de l'Apli, a lancé la grève le 10 septembre à Paris. Depuis, la bataille des chiffres fait rage. L'Apli et l'OPL annonçaient 35 à 40 % de grévistes le 16 septembre, qualifiant la mobilisation de «très forte dans le Sud-Ouest, avec un record au Pays basque, en Bretagne et dans le Nord, mais aussi en Basse-Normandie et Pays de la Loire.»
Guerre des chiffres
En face, les laiteries évaluaient le recul de la collecte nationale à environ 7 %, avec une chute plus forte dans l'Ouest et le Sud-Ouest (10 à 12 %). La participation semblait très variable d'un département à l'autre et même d'un canton à l'autre.
Les industriels assurent ne pas être pénalisés par ce mouvement, tout au plus ont-ils besoin de réorganiser la «gestion des flux».
Plusieurs laiteries ont pourtant écrit aux grévistes leur rappelant que le «lien commercial» était rompu, et qu'il faudra renégocier un nouveau contrat de livraison. Les reprises de collecte seront examinées «au cas par cas», prévient Jehan Moreau, le directeur de la Fédération nationale des industries laitières (Fnil).
«Cet appel à la grève pourrait tomber sous le coup d'une "entente", comme en Allemagne, et donc être poursuivi en justice », précise-t-il. Les transformateurs ne semblaient pas envisager de poursuite de cet ordre.
Au-delà de la bataille des chiffres, c'est aussi une guerre syndicale qui s'engage. L'Apli se présente comme une alternative de poids à la FNSEA. Quelle que soit l'issue de ce mouvement, il aura ébranlé la grande maison.
Jean-Michel Lemétayer estime la grève «peu suivie». Avec la FNPL et les JA, il a pourtant jugé utile de publier une lettre ouverte aux producteurs le 11 septembre.
Le niveau de prix négocié lors de l'accord du 3 juin 2009 «reste insuffisant face à nos charges, nous l'avons toujours affirmé, réitèrent les trois organisations. Mais, il nous permet, pour l'instant de connaître des niveaux de prix très supérieurs à nos principaux collègues européens.»
Fracture syndicale
L'unanimité ne règne pas non plus parmi les minoritaires. L'OPL soutient clairement le mouvement mené par l'Apli.
La Confédération paysanne a une position moins claire. Elle soutient les éleveurs engagés dans la grève par diverses actions, sans pour autant appeler à l'arrêt des livraisons. Elle annonçait lundi le blocage de quatre sites de séchage.
Ce qui est sûr, c'est que cette grève ne laisse pas indifférent, que l'on soit pour ou contre. Elle est symptomatique d'un malaise profond de la filière laitière, qui ne disparaîtra pas avec la fin du mouvement.
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(1) Association des producteurs de lait indépendants.
Bernard Lannes, producteur à Roquelaure (Gers) et adhérent à l'OPL: «Ce n'est pas un geste de désespoir, on ne va pas se laisser faire comme ça !» «Avec mon associé Thierry Guilbert, nous avons commencé la grève dès l'appel de l'Apli. Quand le camion de Sodiaal est arrivé vendredi, on lui a dit non . Nous donnons 200 à 300 l de lait sur les marchés, aux voisins… Un panneau à l'entrée de l'exploitation indique que nous faisons des dons de lait et les gens viennent. Le reste part dans la fosse à lisier. Le ventre est noué quand on ouvre les vannes. Heureusement, nous avions anticipé en réduisant l'alimentation des vaches. Etant polyculteurs-éleveurs, nous espérons que les autres productions compenseront. On dit aussi au banquier qu'il faut qu'il attende… Au cinquième jour de grève, c'est toujours aussi dur de jeter du lait. On peut toujours continuer par des grèves tournantes. Les laiteries ont beau dire que tout va bien, elles perdent aussi de l'argent.» |