«Notre ferme est en terrain inondable. Cela nous protège des constructions», explique Marie-Hélène Drevet. En Gaec avec son mari et deux de leurs six enfants, elle cultive 110 hectares à Crolles (Isère). Cette commune comptait 1.500 habitants en 1970 lorsqu'elle a accueilli une grande société de microélectronique.
Aujourd'hui 9.000 personnes habitent aux portes de la Ferme de l'Echelle: «Lors de notre installation en 1969, le plan d'occupation des sols venait de délimiter les zones réservées à l'agriculture. Notre corps de ferme situé dans la zone constructible a été déplacé dans la plaine inondable drainée par des canaux», se souvient Marie-Hélène Drevet.
Elle accueille tous ceux qui demandent de visiter son exploitation.
«Ces échanges justifient notre présence. Ils voient ce qu'est la campagne. Il faut qu'ils ressentent ce besoin de l'agriculture. Mais sans valeur économique, nous disparaîtrions. Nous avons créé de la valeur ajoutée sur place pour compenser la perte d'espace. Nous proposons des fromages de vaches, des volailles, des légumes. Notre magasin de vente directe est ouvert tous les soirs de la semaine.»
Sensibiliser les élus
La veille, elle a animé un buffet destiné aux élus locaux avec cinq autres agriculteurs du voisinage. Ils adhèrent à la marque Terres d'Ici créée par l'ADAYG (association pour le développement de l'agriculture dans l'Y grenoblois).
«Nous rappelons à nos élus grâce à ces produits qu'il vaut mieux des agriculteurs que de la pelouse. Nous aidons l'agriculture mais aussi la ville à rester vivante. Nous sommes pour la gestion concertée du territoire.»
Marie-Hélène Drevet qui est élue à la chambre d'agriculture, voudrait que l'agriculture périurbaine ne perde plus ni un actif, ni un hectare supplémentaire.
«La Safer n'a pas les moyens d'être efficace dans le périurbain. Elle propose au mieux 6.000 à 7.000 euros de l'hectare quand les zones industrielles atteignent déjà 70.000 euros. L'agglomération de Grenoble vient de créer un établissement public foncier local. Reste à savoir à qui ira ce foncier.»
L'agriculture pour tenir la villeL'association pour le développement de l'agriculture dans l'Y (1) grenoblois a été créée par des élus des communes rurales et par les agriculteurs il y a 20 ans. «A l'époque, les urbanistes voyaient l'agriculture comme une simple réserve foncière. Aujourd'hui, ils s'appuient sur elle pour tenir la ville, la rendre vivable. Ils font réaliser une étude d'impact quand il y a intervention foncière sur le foncier bâti mais aussi sur le foncier non bâti.» L'Y grenoblois réunit mille agriculteurs dont trois cents vendent en direct. L'ADAYG leur a donné plus de visibilité en créant la marque Terres d'ici et en revitalisant les marchés de détail. Elle a participé à l'élaboration du schéma d'urbanisation: «la ville se densifie, on refait la ville sur la ville, un zonage strict agricole est imposé aux plans locaux d'urbanisation à venir. Il faudra tenir malgré les conflits. Dans dix ans, nous devrons avoir convaincu la population de défendre ce zonage pour ne pas rouvrir les vannes du grignotage.» La métropole de Grenoble vient de créer un établissement public foncier local. Les élus de l'ADAYG espèrent aller vers une intervention foncière plus forte: acquisition de terres le long des limites stratégiques, lutte contre les friches, installations agricoles facilitées, compensation des emprises pour les exploitations les plus touchées. (1) Deux vallées autour de la ville de Grenoble. |
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