Voilà maintenant trois mois que les textes organisant le nouvel accompagnement à l'installation sont sortis. Les pouvoirs publics espéraient une mise en place effective du dispositif au 31 mars 2009. Le parcours réformé sera finalement opérationnel le 30 juin. Après cette date, l'engorgement des dossiers provoquera de nouveaux retards. En attendant, la majorité des installations sont suspendues, sauf urgences.

«En ce moment même, les partenaires locaux de l'installation définissent les organisations qui vont porter le dispositif», explique Jean-Michel Schaeffer, vice-président de Jeunes Agriculteurs (JA), en charge du dossier "installation". Ce travail se fait au sein d'un comité départemental à l'installation (CDI). Le CDI, mis en place par arrêté préfectoral, est composé des collectivités territoriales, des organisations professionnelles agricoles représentatives au niveau départemental, de la chambre d'agriculture, ou encore des structures siégeant à la CDOA (commission départementale d'orientation agricole).

«Négociations longues et difficiles»

Tout ce petit monde doit se mettre d'accord sur l'organisation du dispositif, concilier les intérêts en présence, les habitudes locales et les objectifs d'ouverture de la réforme. «Les négociations sont longues et difficiles, d'où le retard, confie Ludovic Padiolleau, vice-président des JA de l'Allier. D'autant que les rapports avec les conseils régionaux se sont détériorés depuis que la commission régionale à l'installation a été rayée des textes officiels.» Ce revirement irrite également la Confédération paysanne. Le retrait de l'échelon régional «est une aberration à l'heure de la décentralisation», estime Chantal Jacovetti, du syndicat.

Le CDI doit tout d'abord définir qui assure le point info ou point d'information, chargé d'accueillir toute personne qui souhaite s'installer en agriculture. Il désigne ensuite une structure pour superviser le centre d'élaboration du plan de professionnalisation personnalisé (CE-PPP). Il faut également choisir les conseillers qui accompagneront le futur installé dans l'élaboration et la réalisation de son parcours.

«Globalement, la distribution des rôles se passe bien», assure Jean-Michel Schaeffer. Dans chaque département, le CDI fait part de ses propositions à la CDOA. Les différentes organisations désignées en comité lancent ensuite leurs candidatures. Le préfet de département a alors un mois pour labelliser les structures choisies. Les départements les plus avancés, comme la Loire-Atlantique ou la Haute-Garonne, attendent cette labellisation.

Faire face à l'urgence

«Une période transitoire a été prévue pour ne pas bloquer les installations urgentes», précise Jean-Michel Schaeffer. Les candidats qui ont débuté leur parcours avant le 15 janvier relèvent de l'ancien système.

Quant aux jeunes contraints de s'installer avant que le nouveau dispositif ne soit prêt, ils n'ont pas à justifier d'un plan de professionnalisation personnalisé (PPP). Des stages préparatoires «ancienne formule» ont été organisés pour eux depuis le mois de janvier dans la plupart des départements.

C'est le préfet qui apprécie le caractère d'urgence (délais pour les déclarations Pac et les demandes de DPU, reprise d'exploitation, approche de l'âge limite pour bénéficier des aides, etc.). Tous les autres candidats attendent que le nouvel accompagnement soit opérationnel. Ce qui laisse présager une grosse vague de dossiers à partir de juillet. «Nous avons une cinquantaine de dossiers en attente dans le département, indique Marie-Dominique Desaegher, directrice de l'Adasea des Pyrénées-Altantiques. Ils seront traités par ordre de priorité, jusqu'à la fin de 2009.»

Adapter les formations

Dès la mise en oeuvre du nouveau parcours, chaque futur installé suivra son plan de professionnalisation personnalisé. Un stage collectif de 21 heures figurera obligatoirement dans ce plan, complété ou non de stages de formation supplémentaires. Quelques départements sont déjà en ordre de marche, à l'image de la Haute-Savoie qui a programmé son premier stage collectif à la fin de mars. D'autres en sont encore à l'appel d'offres auprès des organismes de formation.

Le ministère de l'Agriculture financera cent vingt euros par stagiaire. Marc Jeanlin, de l'APCA, calcule: «Ramené à l'heure, cela donne six euros par stagiaire pour un coût de formation de douze à quinze euros. C'est au mieux 50% du coût réel. Les chambres d'agriculture compléteront une partie de ce différentiel, mais qui prendra le reste?» Les conseils régionaux n'étant pas forcément partants, la question reste en suspens.

Quant à la partie personnalisée du projet, le jeune installé suivra des formations à la carte, choisies parmi les stages existants. Le catalogue de ces formations, qui était jusqu'ici reconduit à 60% d'une année sur l'autre, devrait être bousculé.

«Le PPP va obliger à réécrire les scénarios pédagogiques», estime Gaël David, de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture. Les formateurs vont devoir préciser le déroulement de chaque stage et les modulariser selon les niveaux de compétence des candidats.

Autres pistes suivies, les formations ouvertes à distance (FOAD) et l'ouverture à plusieurs types de public: les agriculteurs en formation continue, les élèves et les étudiants, parfois les conseillers agricoles. Au final, c'est toute la formation continue qui pourrait bouger sous l'impulsion du PPP.

 

Témoignage: FABIEN HENARD, 24 ans, Marcillac-Lanville (Charente)

«Je dois m'installer avant le 15 mai 2009»

«En novembre 2008, j'ai contacté le point d'information de la Charente et j'ai présenté mon projet: je veux racheter des parts sociales à mon père et intégrer le Gaec familial, avec lui et mon oncle. On m'a signalé que le dispositif d'accompagnement allait être réformé. Mais je ne pouvais pas attendre sa mise en route. Il faut que je m'installe avant le 15 mai 2009 pour déposer les dossiers Pac et demander des DPU pour les terres que je viens d'acheter.

Un stage préparatoire à l'installation (SPI) était prévu au début de l'année pour les installations urgentes du département, mais il a été annulé au dernier moment. Heureusement, l'Adasea a trouvé une solution de rechange dans la région voisine: je suis parti faire mon stage obligatoire à Périgueux, en Dordogne. Il a duré six jours, répartis entre février et mars. Il y avait 1 heures 45 minutes de route pour s'y rendre, mais je n'avais pas le choix. Aujourd'hui, j'ai l'attestation du SPI en main et mon dossier vient de recevoir l'avis favorable de la CDOA. Je n'attends plus que l'autorisation de financement pour m'installer.»

 

 

Témoignage: ALEXANDRE MURILLO, 19 ans, Cadillon (Pyrénées-Atlantiques)

«Je suivrai le nouveau dispositif dès sa mise en oeuvre»

«J'ai terminé mon Bac professionnel au mois de juin 2008. Au même moment, une exploitation voisine de celle de mes parents s'est libérée. J'ai décidé d'en profiter pour intégrer l'EARL familiale (vigne, vaches allaitantes et maïs). Mais avant, il fallait que je suive le parcours à l'installation pour pouvoir bénéficier des aides de l'Etat. J'ai contacté le point d'information des Pyrénées-Atlantiques. Là, on m'a conseillé d'attendre la mise en place du nouvel accompagnement.

Au début de mars 2009, la Safer a redistribué les terres de l'exploitation libérée, en me réservant vingt hectares qui touchent l'exploitation de mes parents. La Safer demeure propriétaire de ces vingt hectares et les stocke en attendant la réalisation de mon parcours. C'est la région qui prend en charge les frais jusqu'à la fin de mon installation. Grâce à ce système, je vais pouvoir m'installer en bénéficiant de l'accompagnement réformé sans que l'attente de sa mise en place ne nuise à mon projet. Je vais profiter de ce délai pour bien préparer mon entrée dans la société familiale.»