Qu'on le veuille ou non, malgré la modernisation des lois agricoles, il existe encore en France des problèmes fonciers provoqués par des actes juridiques datant de plusieurs siècles. En effet, au sein des communes rurales, souvent de montagne, il se trouve des appropriations collectives par certains habitants en dehors des propriétés communales. C'est ce qu'on appelle les «sections de communes». Elles sont dotées de la personnalité morale et considérées comme propriétaires collectifs de grands espaces forestiers ruraux et agricoles. Le code des collectivités territoriales légifère en cette matière longtemps laissée aux usages locaux. Ce sont les articles L. 2411-1 et suivants de ce code, modifiés par la loi rurale du 23 février 2005.
Des attributaires préférentiels
Un des points de friction de ce phénomène foncier est l'attribution du droit de jouissance exclusive et privative de certaines parties des terres de la section. L'article L. 2411-2 du code des collectivités territoriales prévoit que la gestion des biens de la section est assurée par le conseil municipal.
Y a-t-il des attributaires préférentiels ou même exclusifs de ces terres? C'est l'article L. 2411-10 du même code qui réglemente la matière. A l'heure actuelle, le candidat à un bail ou à une convention pluriannuelle de pâturage doit avoir un domicile réel et fixe ainsi que le siège de l'exploitation sur la section. Ce n'est qu'à défaut de l'attributaire idéal que certains candidats subsidiaires sont énumérés à l'article L. 2411-10. En outre, quel qu'il soit, le bénéficiaire du contrat doit être en règle avec le contrôle des structures.
Par l'entremise de la Safer
La municipalité, qui tenait à accorder le droit d'exploiter les terres à Séraphin sans pour autant lui consentir un bail rural ou une convention pluriannuelle, a mis ces terres à la disposition de la Safer en s'appuyant sur l'article L.142-6 du code rural. A charge pour elle de les louer à Séraphin par un contrat de six ans renouvelable une seule fois. Ainsi, le conseil municipal confiait, à travers le montage échafaudé, l'exploitation à Séraphin sans être lié par un bail.
Afin d'empêcher la réussite de l'opération, un membre de la section qui cultivait les terres litigieuses a déféré la décision du conseil municipal à la juridiction administrative. Pour obtenir satisfaction dans les plus brefs délais, après un recours au fond contre cette délibération, il a introduit un référé suspension devant le président du tribunal administratif. Pour que la procédure aboutisse, il fallait d'une part qu'il n'y ait pas d'urgence à attribuer les terres et surtout qu'il n'y ait pas de doute sérieux sur la légalité de la délibération du conseil municipal. Pour caractériser l'urgence, le Conseil d'Etat a retenu que le requérant à l'annulation, étant en possession des terres, serait privé de son exploitation si la décision était maintenue. D'un autre côté, pour développer un doute sérieux sur la légalité de la délibération, il était évident que la mise à disposition de la Safer, en application de l'article L.142-6 du code rural, n'est pas visée par l'article L. 2411-10 du code des collectivités territoriales. Il y avait donc un doute sérieux sur la légalité de la décision du conseil municipal. Par suite, le président du tribunal a suspendu l'exécution.