Dans la Loire, alors que les grosses structures sont déjà équipées en mélangeuses, les plus petites (jusqu'à cinquante vaches) s'interrogent. «Les dessileuses achetées il y a dix ou quinze ans sont usées, note Jean-Paul Poyet, du contrôle laitier de la Loire. Faut-il sauter le pas de la mélangeuse?» Quel matériel choisir? Une machine qui ne distribuera que l'alimentation ou bien un outil polyvalent?» Dans un contexte de baisse de prix du lait, la question d'un achat à plusieurs est aussi posée. Une journée d'information et de démonstration organisée par le contrôle laitier et la FDCuma de la Loire a permis à 600 éleveurs de faire le point sur le sujet.
Etre clair sur ses objectifs est indispensable. Comme le rappelle Philippe Brunswig, de l'Institut de l'élevage, il ne faut pas attendre d'une mélangeuse ce qu'elle ne peut donner. «Le fait de mélanger intimement la ration de base n'a pas d'impact sur la production laitière et les taux. On observe seulement une légère augmentation de l'ingestion: au mieux 1 kg de MS/VL/jour.» Et l'ingénieur de rappeler que «la distribution d'une ration complète ne nécessite pas forcément une remorque mélangeuse distributrice peseuse. La répartition plus ou moins uniforme du concentré sur les fourrages dans une remorque ou une dessileuse-distributrice suffit pour réaliser un mélange grossier.»
L'intérêt des mélangeuses est ailleurs: dans la simplification du travail et dans la capacité de mélanger des aliments de nature, de structure et d'appétabilité différentes. Ces dernières années, l'offre s'est considérablement élargie en termes de systèmes de mélange. «Le choix d'une mélangeuse ne doit pas se résumer au type d'alimentation à distribuer et aux fourrages disponibles», soulignent Jean-Paul Poyet et Sylvain Rancon, du Contrôle laitier et de la FDCuma. Outre le comportement avec des balles entières, surtout pour les rations composées d'enrubannage, l'éleveur doit s'intéresser à l'encombrement de la machine. Pourra-t-elle circuler dans les bâtiments sans manoeuvres compliquées? Sera-t-elle adaptée à la portance des sols, ceux des silos en particulier? La question de la polyvalence de la machine se pose en particulier dans les petits élevages où un outil assurant le chargement, la distribution et le paillage sera plus accessible économiquement.
Diluer le coût dans le maximum de litres
Autre aspect à ne pas négliger: la propreté du front d'attaque. Pour les silos d'herbe, toupie et lame oscillante permettent d'obtenir une coupe franche.
«Au-delà des caractéristiques de la machine, remarque Sylvain Rancon, l'effet "éleveur" est déterminant dans la qualité finale du mélange.» C'est particulièrement vrai pour son homogénéité et le respect des fourrages et de la fibrosité. Cela dépend de l'ordre de remplissage des aliments, de la durée du cycle de mélange et de la maîtrise de la machine. Comme le rappelle Yves Alligier, nutritionniste au contrôle laitier de la Loire, «la bonne mélangeuse est la machine qui produira une ration complète appétente consommée sans possibilité de tri et en grande quantité. Le foin ou la paille doivent être hachés de façon franche, en évitant tout défibrage. Les brins obtenus doivent mesurer entre 3 et 7 cm.»
Au plan économique, une enquête, réalisée dans quatre élevages de la Loire produisant entre 180.000 et 670.000 litres, montre que le coût d'utilisation d'une mélangeuse (traction comprise) va du simple au double: de 15 à 30 € les 1.000 litres de lait.» La clé de la rentabilité de la mélangeuse repose sur la capacité à diluer le coût dans le maximum de litres de lait, résume Dominique Alloin, du contrôle laitier de la Loire. L'achat d'une machine en copropriété ou l'utilisation en Cuma peuvent permettre à des élevages de taille réduite d'accéder à un matériel dans des conditions raisonnables, sans supporter individuellement des coûts élevés. «Outre la comparaison de ce coût avec le prix d'une dessileuse-distributrice classique, l'éleveur tiendra compte dans son choix final de l'évolution de son exploitation (volume de production, main-d'oeuvre disponible...), ainsi que des avantages attentus en termes de confort de travail.
L'avis de l'expert: DOMINIQUE ALLOIN, du contrôle laitier de la Loire «A elle seule, la mélangeuse ne fait pas de miracle»«L'achat d'une mélangeuse ne suffit pas à réduire le temps consacré à la distribution. L'emplacement des silos, des lieux de stockage des concentrés et des aliments déshydratés, les dimensions des zones de circulation doivent être pensés pour une reprise facile au moment du chargement. Un mélange comprenant les céréales, les tourteaux et les CMV de la ration peut être préparé à l'avance (huit-dix jours selon la capacité de stockage et celle de la mélangeuse). A ce prémix peuvent être ajoutés des aliments déshydratés, du foin, de la paille et de la mélasse qui améliorent les conditions de reprise du produit. Par ailleurs, pour gagner du temps, on peut distribuer pour deux jours, utiliser le mélange des vaches en lactation pour les génisses et celles en préparation du vêlage, ou préparer une ration sèche pour les génisses jusqu'à six mois.» |
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Pascal Roche et Denis Ville, La Côte-en-Couzan (Loire), à 750 m d'altitude, 280.000 litres à deux. 18 montbéliardes à 6.500 kg chez Denis et 20 prim'holsteins à 8.500 kg chez Pascal.
Un équipement pour deux
Bien qu'éloignés de 5 km, Pascal Roche et Denis Ville utilisent depuis trois ans une mélangeuse distributrice en copropriété.
«L'achat de la machine, une Keenan à quatre pales de 10 m3, la seule marque à l'époque qui faisait de l'occasion, répondait à un besoin commun, expliquent Pascal Roche et Denis Ville: faire consommer plus de foin aux vaches.» Une condition édictée par le cahier des charges de l'AOC Fourme de Montbrison (20% d'ensilage de maïs au maximum dans la ration de base annuelle, 3 kg de foin par vache et par jour en période hivernale). L'investissement (16.000 €), inenvisageable seul, était réalisable à deux. Avec un amortissement de la machine calculé sur sept ans et des frais financiers sur cinq ans, le coût d'utilisation s'élève à 2.630 € par an, soit 9,38 € par 1.000 l (hors coût de traction). Un niveau raisonnable comparé à celui de deux dessileuses classiques achetées individuellement.
Depuis février 2003, la mélangeuse, attelée la plupart du temps au tracteur de 80 ch de Denis, fait la navette entre les deux exploitations distantes de 5 km. «La distance est un frein, reconnaît ce dernier, mais on s'entend bien. On travaille beaucoup ensemble.» Alors que Pascal utilise la machine dix mois sur douze, Denis ne l'emploie que six gros mois de l'année. Au-delà, les quantités distribuées sont trop faibles. L'ancienne petite dessileuse prend alors le relais. Au fil des ans, la manière d'utiliser la machine a évolué. «Je ne distribue plus que deux fois par semaine, une fois pour quatre jours, une fois pour trois», précise ainsi Pascal, qui est passé d'une ration hivernale constituée il y a trois ans de 70% d'ensilage de maïs à une ration de 100% d'herbe (6 kg de foin dactyle, 56 kg brut d'ensilage d'herbe, 2 kg de céréales, 1,3 kg de correcteur azoté et minéraux). Pour empêcher que les vaches ne poussent les aliments trop loin, l'éleveur a installé un fil électrique à 50 cm des cornadis, au-dessus du fourrage. «Ce nouveau rythme de distribution réduit les déplacements de la mélangeuse (4 t à vide) et limite les risques d'accident. L'hiver, sur les routes sinueuses, on se fait quelques frayeurs.»
Outre une simplification du travail particulièrement appréciée le week-end et lorsqu'il faut se faire remplacer, l'utilisation de la mélangeuse s'est traduite par une amélioration de l'état sanitaire des troupeaux. «Nous n'avons plus de problèmes de boiteries liés à l'alimentation, plus de vaches qui se bloquent, se félicite Pascal. En outre, il y a moins de gaspillage. Les vaches mangent tout. On a l'impression que les silos vont durer plus longtemps.»