Lorsque l'on évoque les contestations engagées à l'encontre de la Safer, on a tendance à citer les problèmes soulevés par les préemptions. C'est pourtant loin de l'activité principale des Safer et du même coup, des procédures soumises aux tribunaux.

Qu'elles aient acquis à l'amiable ou par préemption, les Safer rétrocèdent les biens dont elles sont devenues propriétaires. C'est à l'occasion de ces transferts de biens immobiliers que la critique se fait jour.

Plusieurs candidats se manifestent à l'occasion de l'appel de candidatures. Un seul sera retenu, les autres auront propension à critiquer le choix opéré. Il est facile de dire que le candidat désigné avait « des relations ». Bien entendu, les conflits possibles n'ont pas été méconnus par le gouvernement.

Après avoir affirmé une priorité pour les agriculteurs expropriés, l'article R. 142-1 du code rural énumérait les catégories bénéficiaires possibles sans aucune priorité entre eux, les jeunes agriculteurs en tête. Puis, si aucun candidat conforme au principe de cet article ne se manifestait, la Safer pouvait rétrocéder à la personne de son choix.

Demande de dommages-intérêts

Dans le cadre de cette réglementation, va naître le contentieux entre Antoine et la Safer. Antoine a signé une promesse d'achat sur le bien acquis par la Safer, puis versé une somme à titre de dépôt de garantie. Il a les qualités pour bénéficier de la rétrocession puisqu'il est jeune agriculteur. Mais voilà que la Safer lui retourne son dépôt de garantie et lui fait connaître que le comité technique a choisi Joachim comme bénéficiaire. Il sera constaté qu'Antoine ne demande pas la nullité de la rétrocession opérée mais des dommages-intérêts pour rupture de la décision implicite de vente.

La cour d'appel fait droit à sa demande en retenant qu'au moment de l'avis du comité technique, Joachim n'est âgé que de 17 ans et encore scolarisé en vue d'un diplôme agricole.

Ceci ne correspond pas à la définition de jeune agriculteur telle qu'elle résulte des articles R. 343-3 et 4 du code rural. En revanche, dit la cour d'appel, Antoine, âgé de 30 ans, qui exploite des terres en fermage, remplit toutes les conditions voulues par l'article R. 142-1 alinéa 2 du code rural, et peut donc être qualifié de jeune agriculteur. Antoine obtient ainsi les dommages-intérêts sollicités. Ce n'est pas pour autant que le procès s'est arrêté. Joachim formule un pourvoi en cassation.

Assurer l'installation de jeunes agriculteurs

La censure interviendra sur un motif juridique riche d'enseignement : si le jeune agriculteur a vocation à obtenir la rétrocession, c'est à la condition qu'il ne soit pas encore installé.

Or, Antoine exploite déjà en fermage plus de 70 hectares. Comme la Cour de cassation le précise, l'arrêt a été rendu en l'état de la législation existante, selon l'article R . 142-1 du code rural en vigueur jusqu'au décret du 10 juillet 2000. La solution aurait-elle été la même si les juges avaient eu à se baser sur le nouveau texte ? Certes, en la forme, l'article R. 142-1 du code rural, ou tout au moins sa substance, a été transféré à l'article R. 142-2 du même code. Il aurait donc fallu invoquer cet article et non le 142-1 du code rural.

Toutefois, la question devait être plus délicate : y-a-t-il une différence entre les deux articles? Pour bénéficier d'une rétrocession, il faut remplir les conditions générales, assurer la gestion et exploiter le bien comme le prévoit le nouvel article R. 142-1 du code rural.

Dans le cadre de l'article R. 142-2, le candidat doit justifier qu'il est jeune agriculteur au sens des dispositions de l'article R. 343-3 du code rural. Il s'en déduit que le texte de base dans la discussion eut été le même et qu'en conséquence de l'arrêt rendu, si aucune priorité n'existe, il reste les divers bénéficiaires possibles énumérés dans les articles concernés. La préférence doit être donnée à un candidat à l'installation plutôt qu'à celui qui est déjà installé. Il en résulte qu'il ne faut pas seulement être jeune agriculteur mais à la recherche d'une installation.

Toute la problématique de l'acquisition est incluse dans le principe affirmé: tout doit concourir à assurer l'installation de jeunes agriculteurs et non à l'extension d'exploitations existantes. N'est-ce pas le but du contrôle des structures? Pourtant, la pratique nous apprend que la recherche de la rentabilité de l'exploitation passe par un élargissement des superficies existantes.