«Voyez le piquetage et les sondages de sol, c'est ici, sur la commune de Saint-Gilles que va sortir de terre l'unité de biométhanisation Geotexia», explique Jacky Aignel, agriculteur et vice-président de la communauté de communes du Mené, dans les Côtes-d'Armor. Celui qui est également maire du village voisin nous fait parcourir quelques kilomètres supplémentaires. De nouveau, des piquets: cette fois, on est «chez lui», dans la zone artisanale de Saint-Gouéno (670 habitants). «Les travaux de l'huilerie vont commencer lundi prochain et les premiers litres d'huile carburant devraient couler à la fin de janvier, poursuit Marc Théry, le consultant qui a accompagné ce projet avec les agriculteurs.

Au Mené, on n'en est plus au stade des discours de tribune sur les énergies renouvelables. On est passé à l'acte. Et la liste déjà impressionnante de projets ne s'arrête pas là: un réseau de chaleur raccordant onze logements locatifs communaux et la salle des fêtes est sur le point d'être réalisé à Saint-Gouéno. Il sera approvisionné par une chaudière à bois de 100 kW. «Le combustible proviendra essentiellement des haies de nos exploitations», précise Jacky Aignel. D'ores et déjà, 450 m3 de plaquettes ont été engrangés et stockés sous le hangar d'un agriculteur retraité. La commune a payé le broyage. Un parc éolien de dix-sept machines avec une ouverture du capital aux habitants en est au stade de la demande de permis de construire. La réalisation est prévue en 2008.

«Nous sommes dans une région – le centre de la Bretagne – qui reste difficile pour l'agriculture en général, commente Jacky Aignel. Nos aînés, dans la mouvance de la Jac, se sont battus pour la mettre à niveau. Nous poursuivons dans cette voie avec les énergies renouvelables. Tous ces projets ont pour ambition l'animation et le développement du territoire.» Il s'agit de substituer des bioénergies synonymes de retombées économiques locales à une énergie importée, le pétrole qui ne rapporte rien.

Une huilerie fixe pour 1.200 hectares de colza

Une étude réalisée par le cabinet Solagro a montré que la communauté de communes (6.00 habitants, sept communes, 12.000 hectares de SAU) pouvait prétendre à être complètement indépendante sur le plan énergétique et que cela n'était pas utopique.

Les agriculteurs devraient être les premiers à toucher du doigt cette réalité avec l'huilerie fixe qui va être construite et qui devrait leur permettre à terme d'être autonomes en carburant. «On a bâti notre projet sur deux pieds: d'abord sur la qualité en sortant une huile carburant à la norme allemande DIN 51605, souligne Marc Théry. C'est une condition indispensable pour s'inscrire dans la durée et qu'on n'ait pas des moteurs qui tombent en panne après quatre mois, six mois, deux ans…»

Une expertise des moteurs

«Ensuite, il faut avoir une vision économique. Il ne faut pas faire des bioénergies parce que c'est dans le vent.» L'objectif est de sortir une huile dont le coût de revient est d'environ 40 centimes par litre, avec une valorisation dans les élevages du tourteau à 150-160 €/t. Pour cela, ils ont vu grand : en régime de croisière, elle devrait triturer 3 600 tonnes, soit la production de 1 200 ha de colza, grâce à une presse débitant 500 kg par heure. Le coût total de l'investissement est de 450 000 euros. Pour l'instant, l'unité va démarrer avec les 550 tonnes récoltées cet été auprès d'une cinquantaine d'adhérents. Elle possède en portefeuille 400 ha de colza pour la récolte de 2007. Les agriculteurs ont investi 50 euros par hectare de colza souscrit.

Sur le plan technique, une expertise au cas par cas des moteurs et des pompes d'injection est réalisée chez les adhérents avec l'aide de la société Elsbett et de Pierre-Jean Borniche, un conseiller agricole reconnu sur ces questions. Le tout débouchera sur une préconisation personnalisée. Marc Théry estime qu'avec ce projet de territoire (dont le rayon de collecte des graines est de 15 à 20 km), les agriculteurs vont réussir la synthèse entre un dossier économiquement et écologiquement viable.