Dans près de la moitié des projets de nouvelle installation de traite, le robot est évoqué par les éleveurs, qui demandent à en chiffrer le coût. C'est ce qu'affirment constructeurs et installateurs. On voit donc tout l'intérêt que les producteurs portent désormais à ces machines, devenues une alternative réaliste à la traite conventionnelle. Introduits sur le marché européen au début des années quatre-vingt-dix, elles ont vraiment commencé à se développer dix ans plus tard. En France, nous sommes passés d'une vingtaine de fermes équipées à la fin des années quatre-vingt-dix, à 350 en 2003. A la fin de 2006, on comptait environ 700 élevages dotés d'au moins un robot de traite. Un programme européen mené entre 2000 et 2004 dresse, quinze ans après leur apparition, un premier bilan du fonctionnement et des performances techniques autorisées par ces machines.

Premier constat: la motivation principale d'un éleveur pour l'achat d'un robot est la suppression de l'astreinte de la traite. L'étude a mis en évidence un gain de temps de 2 minutes par vache et par jour. Cela correspond, avec un système monobox, à 2 heures de travail en moins par jour pour 60 VL, soit une économie de près de 20% de l'astreinte journalière totale de l'atelier lait. Les producteurs jugent leur travail moins pénible et répétitif. Leur santé physique semble s'être améliorée dans 50% des cas. Mais, pour 25% d'entre eux, les effets du robot sur la santé psychique sont plus discutables. Il les oblige en effet à être joignables 24 heures sur 24, au cas où un problème surviendrait.

Une production laitière quasi stable

Historiquement, il a toujours été admis que le passage de deux à trois traites par jour permettait un gain de production. Certes, on peut observer une augmentation substantielle de la quantité de lait lorsqu'on passe de deux traites conventionnelles par jour à 2,8 traites de moyenne au robot. Mais elle provient le plus souvent d'une plus grande quantité de concentrés distribués automatiquement lorsque la vache se trouve dans le robot. Il est donc plus raisonnable de compter sur une augmentation moyenne de la production comprise entre 3% et 5%, et pas dans tous les cas. «Les différences d'intervalles de traite et les échecs de pose des manchons qui s'accompagnent d'une perte de lait pourraient être la cause de cette faible hausse de la productivité», note Pierre Billon, de l'Institut de l'élevage.

Entre 1992 et 2003, tous les raisonnements étaient centrés sur la manière d'optimiser la circulation des vaches pour atteindre un objectif proche de 3 traites/VL/jour. Aujourd'hui, il est de plus en plus recommandé de baisser l'objectif de fréquentation entre 2,3 à 2,5 traites. La circulation libre est réputée la meilleure pour le bien-être des animaux. Elle laisse aux vaches un libre accès au robot, comme à n'importe quel endroit de la stabulation. Depuis peu sont arrivées sur le marché des portes de sélection dotées d'un système d'identification relié au logiciel du robot. Ce dernier est donc capable de savoir si la vache qui se présente est censée être traite ou dirigée vers l'aire d'alimentation. On parle alors de circulation libre contrôlée. Elle limite les visites sans traite et le nombre de vaches à pousser. Le coût d'un tel équipement varie de 4.000 à 5.000 €.

Les butyriques et la lipolyse à surveiller

La composition et les principaux paramètres de qualité du lait (TB, TP, germes, cellules et cryoscopie) sont très peu modifiés par le robot. Il faut tout de même une installation bien conçue. En outre, «on constate souvent une dégradation des spores butyriques. Cela vient du fait que le robot lave les vaches de la même manière, quel que soit le degré de salissure de la mamelle. C'est pourquoi il est recommandé de faire en sorte que les vaches soient le plus propre possible», observe Pierre Billon. L'augmentation de la lipolyse du lait constitue aussi un élément plus difficilement maîtrisable avec un robot de traite. On avait déjà constaté son augmentation consécutive au passage de deux à trois traites par jour avec des installations conventionnelles. «La réduction de l'intervalle moyen entre les traites expliquerait cette aggravation. Une raison de plus pour ne pas chercher à atteindre les trois traites par jour», conclut l'expert.

Autre observation: les systèmes actuels mesurant la conductivité du lait ne sont pas suffisamment précis pour signaler en temps réel les laits anormaux. Une augmentation de la sensibilité des dispositifs est nécessaire mais elle conduit généralement à une faible spécificité, ce qui entraînerait l'élimination trop importante de laits propres à la consommation. Seul le croisement de la mesure de la conductivité avec d'autres paramètres comme la production, la température du lait ou sa couleur permet de mieux déceler les laits anormaux. Mais pas encore de manière suffisamment précise pour pouvoir le détourner du circuit commercial en temps réel, sans le jugement propre de l'éleveur. Toutefois, de nouveaux capteurs (compteurs de cellules ou systèmes proches d'un test CMT automatique) devraient prochainement permettre de mieux gérer le problème des mammites.

«Des parcelles en V pour faire pâturer»

Au Gaec Maupas, alimentation à base d'herbe pâturée au printemps et robot de traite vont de pair. Un système de barrières antiretour permet d'isoler les vaches qui ne sont pas passées à la traite.

«En fonction de l'appétence et de la hauteur d'herbe dans la parcelle, les vaches reviennent plus ou moins facilement se faire traire au robot», déclare Etienne Maupas, éleveur dans l'Orne. Son exploitation dispose de 15 ha d'herbe autour de la stabulation. Dès le mois mars, la cinquantaine de vaches a accès aux pâtures. «J'ai préféré aménager les parcelles en V plutôt que de faire un chemin principal qui conduirait les vaches vers des parcs rectangulaires. Ainsi, toutes les pâtures démarrent à quelques mètres de la stabulation. Les vaches semblent revenir plus facilement au robot.» Ici, elles restent trois, quatre jours sur un même parc. La longueur maximale d'une pâture est de 400 mètres. On sait qu'au-delà de 600 mètres, la fréquentation du robot baisse de 0,2 traite par vache et par jour.

«Dans un premier temps, les vaches sortent seulement dans la journée, à partir de 6 heures. Grâce à un système de barrières antiretour, celles qui reviennent se faire traire après 16 heures ne peuvent plus retourner au pâturage. A 18 heures, je distribue le maïs et vers 20 heures, je vais chercher les vaches qui sont restées au pâturage», raconte Etienne. Vers la fin d'avril, les bovins ont accès 24 heures sur 24 aux parcs. La distribution de maïs est alors limitée à 3 kg de MS pendant trois mois. Les laitières disposent d'une parcelle de nuit et de jour. Là encore, le système de barrière antiretour permet de trier et de savoir lesquelles ne sont pas venues au robot. La déviation est réalisée manuellement deux fois par jour, à 7 heures et à 19 heures. «Les vaches présentes dans la parcelle de jour après 7 heures n'ont pas été traites depuis la veille, 19 heures. Elles sont alors poussées vers le robot.» Ce système permet aux bovins de se trier eux-mêmes.

Il est très délicat de comparer la fréquentation du robot entre la période hivernale et la saison de pâturage car les vaches ne sont pas au même stade de lactation. L'hiver, pour des animaux à 31 kg de lait, la fréquentation du robot est de 2,8 traites par jour. Alors qu'au pâturage, la fréquentation passe à 2,2 traites avec des laitières à 24 kg de lait. «Nous pratiquons le vêlage d'automne. Plus on avance dans la saison, plus le stade de lactation est élevé et moins les vaches ont tendance à se faire traire. Vers la fin de juin, l'herbe devient moins appétente, on distribue davantage de maïs, les animaux reviennent alors plus facilement à l'étable et au robot.»

Aujourd'hui, les laitières doivent retourner à la stabulation pour s'abreuver. «Pour le printemps prochain, j'ai l'intention d'aménager un point d'eau à l'entrée des parcelles, tout près de la stabulation. Je pense que si les vaches avaient accès à l'eau trop loin dans la pâture, la fréquentation du robot baisserait.»