«J'ai manifesté le 13 mai, déclare Pierre Blot, de l'Association nationale des retraités agricoles de France (lire en page 7). Pour que nous ne soyons pas, une fois de plus, les oubliés du système.» Les retraités agricoles – il est vrai – se retrouvent en queue de peloton. L'écart est des deux tiers si l'on examine ce que touche en moyenne un retraité en France et ce qui est versé par la MSA à un agriculteur à la retraite. Plus de 1.100 €/mois en 2001 pour le premier et 335 €/mois pour le second. «Ces montants sont difficilement comparables, estime-t-on à la MSA. Bien souvent, les anciens ont eu une autre activité. En moyenne, la durée de carrière agricole n'est que de 25 ans.»

Revalorisation

On répète souvent que les agriculteurs ont peu cotisé comparé à d'autres. A y regarder de plus près, cette situation n'a guère évolué. Certes, les cotisations sont prélevées sur la base des revenus fiscaux (réels ou forfaitaires) et il y a parité des taux de cotisation: 15,71% pour les non-salariés agricoles et 16,35% pour les salariés. «Le gros problème, c'est le niveau catastrophique des revenus», souligne Jean-Bernard Bayard, président de la commission sociale de la FNSEA.

Aujourd'hui, les deux tiers des assurés agricoles cotisent sur une base inférieure au Smic et sont concernés par les revalorisations. Pour une cotisation vieillesse comprise entre 517 €/an (cotisation minimale) et 2012 €/an (calculée sur le Smic), ces actifs ont droit au minimum vieillesse.

Pourtant, le minimum de retraite garanti à un chef d'exploitation ayant une carrière complète est de 6.935,07 €/an, à comparer avec celui d'un salarié d'un montant de 6.402,23 €/an. En clair, pour une carrière complète, un agriculteur acquiert une retraite de base plus élevée qu'un salarié. Cela signifie aussi que le taux de rendement des cotisations des agriculteurs est supérieur. Pour les tranches basses, un agriculteur récupère sa mise au bout de quatre ans de retraite (contre onze ans pour les plus élevées). C'est une des spécificités du régime agricole pour qui la solidarité à l'égard des bas revenus s'exprime tant au niveau national qu'à l'intérieur de la profession.

La retraite complémentaire obligatoire vient seulement d'être mise en place pour les chefs d'exploitation, en contrepartie d'une cotisation supplémentaire de 2,97%. En 2003, Elle doit permettre d'atteindre 75% du Smic net (soit 8.013 €/an).

Passage aux 40 ans

En 2040, on comptera dix actifs pour sept retraités contre quatre aujourd'hui. Si le mois de mai est marqué par les grèves, tout le monde s'accorde sur la nécessité de reformer les retraites. Là encore, le régime agricole se caractérise puisqu'il connaît déjà un fort déficit de cotisants par rapport aux retraités (lire l'encadré). Dans le projet du gouvernement, la question de l'égalité de traitement entre les assurés est posée. Conséquence pour les agriculteurs: l'allongement de la durée de cotisation. Elle passera progressivement de 37,5 ans actuellement à 40 ans en 2008 (avec un semestre tous les ans).

«Cet allongement n'est pas dramatique», estime Jeannette Gros, présidente de la Caisse centrale de MSA. Les trois quarts des chefs d'exploitation qui partent actuellement à la retraite ont déjà 40 ans de cotisation (tous régimes confondus), mais seulement 57% des conjoints et des aides familiaux. «En plus, les deux tiers des cotisants sont déjà concernés par la condition des 40 ans puisque c'est la durée de carrière (tous régimes confondus) à atteindre pour les revalorisations des petites retraites», souligne la MSA. Le taux de décote (pénalité par année manquante) actuellement fixé à 10% serait ramené progressivement à 5% à compter de 2004.

Mensualisation

La Confédération paysanne, quant à elle, s'oppose à cet allongement «au regard des contraintes particulières du métier.»

En contrepartie du passage aux 40 ans, les retraites seront mensualisées. «Le gouvernement a tranché pour une application au 1er janvier 2005, en même temps que la disparition du Bapsa (1)», indique-t-on au ministère de l'Agriculture. L'avance de trésorerie est bien de 1,4 milliard d'euros au titre de la première année. Toutefoiss, avec les règles comptables de la structure remplaçant le Bapsa, on ne fera apparaître que les 30 à 35 millions d'euros d'intérêts de l'emprunt.» Il reste à savoir comment et qui va les financer…

D'autres mesures figurent dans le projet de loi: il deviendrait possible de racheter des périodes effectuées en tant qu'aide familial à partir de 16 ans et de valider par rachat trois années d'études supérieures. A partir du 1er janvier 2004, les aides familiaux pourraient être affiliés dès 16 ans à l'assurance vieillesse. Pour l'attribution de la pension de réversion, les conditions d'âge et de cumul avec une retraite personnelle seraient supprimées. En revanche, il sera régulièrement vérifié que les ressources n'excèdent pas un certain plafond. Une surcote de 3% par année travaillée au-delà de la durée de référence serait établie.

Parmi les dernières propositions issues du compromis entre le gouvernement et les syndicats de salariés, celle relative aux longues carrières est «à l'expertise pour le régime agricole», fait valoir le ministère de l'Agriculture. Ceux qui ont commencé à travailler entre 14 et 16 ans pourraient partir à la retraite avant 60 ans.

Enfin, l'objectif de pension pour les salariés ayant une carrière complète au Smic est désormais fixé à «85% du Smic net en 2008». «Nous exigeons la même situation que les salariés», déclare Jean-Bernard Bayard. Une revendication qui a reçu un écho favorable de la part de Hervé Gaymard lors du congrès des Jeunes Agriculteurs le mercredi 21 mai.

(1) Budget annexe des prestations sociales agricoles.

 

Trois retraités agricoles pour un cotisant

Le régime agricole compte trois retraités agricoles pour un cotisant. Il ne survit que grâce à un mécanisme de compensation entre les régimes et une subvention de l'Etat. Il évolue à l'inverse des autres régimes et ce retournement démographique est déjà amorcé.

De deux millions en 2002, le nombre de retraités agricoles devrait passer à 970.000 en 2040. On estime qu'il restera alors 360.000 cotisants. Du fait de la revalorisation, le montant des prestations vieillesse n'a commencé à diminuer que depuis 2002. Il devrait baisser de près d'un tiers entre 2000 et 2020.

 

 

Opinion: JEANNETTE GROS, présidente de la caisse centrale de MSA

«La contribution de l'Etat doit être maintenue»

La F.A.: Comment faire jouer la solidarité nationale pour financer les retraites des agriculteurs? Les agriculteurs vont-ils avoir droit à 85% du Smic garanti?

L'urgence pour moi, c'est l'avenir du régime de retraite complémentaire et son amélioration. Contrairement aux autres régimes, le nombre de retraités agricoles baisse depuis 1994. La subvention de l'Etat doit être maintenue même si les dépenses diminuent. L'Etat ne doit pas se désengager. Il reste ensuite à financer la mensualisation. Pour les 85% du Smic net, je ne sais pas faire tant qu'on aura pas pérennisé le nouveau régime de complémentaire.

La F.A.: Certaines activités agricoles sont pénibles. Faut-il en tenir compte et adapter l'âge de la retraite?

On observe des différences entre les productions. Par exemple, il y a plus d'accidents en zone d'élevage. La pénibilité est une notion très difficile à définir. Il faut prendre en compte tant les risques d'accident que l'usure.