«Il y a longtemps que je m'intéresse aux itinéraires techniques intégrés pour les céréales, explique Bruno Picart, agriculteur à Ham, dans le nord-est de la Somme, qui exploite avec son épouse et son fils 250 ha en grandes cultures et légumes de vente directe. J'ai intégré un groupe de huit agriculteurs, piloté par la structure de recherche de Picardie Agrostransfert, il y a trois ans. C'est ainsi que je me suis lancé dans la démarche.» Et avec le recul, il ne le regrette pas.

«Je n'ai jamais été un fan de l'utilisation à outrance des produits phytosanitaires», reconnaît Bruno Picart, qui, après des études d'histoire, souhaitait devenir enseignant à mi-temps et berger. Le cours de la vie en a voulu autrement et il a dû se résigner à reprendre l'exploitation familiale dans la Somme. «Je suis conscient qu'il n'est pas vraiment possible de conduire une exploitation de grandes cultures en bio dans notre région, mais je suis content d'avoir trouvé avec la conduite intégrée une voie intermédiaire, qui apporte un mieux pour le cadre de vie et qui tienne la route sur le plan économique.»

Concrètement, le souhait d'étendre la conduite intégrée à l'ensemble de son exploitation l'a amené à introduire de nouvelles cultures et à rééquilibrer la part des cultures d'hiver par rapport à celles de printemps. En plus du blé, des betteraves, des pois de printemps, des terres mises à disposition pour la culture de pommes de terre et des légumes destinés à la vente directe (endives, carottes, oignons et pommes de terre), il a introduit depuis deux ans dans la rotation du colza, des pois d'hiver et des féveroles. L'assolement se gère désormais sur six ans au lieu de trois ou quatre auparavant. «L'intérêt de la démarche est de réduire la pression des maladies et des adventices», explique l'agriculteur, qui réalise un labour environ un an sur deux, devant les cultures de printemps.

Colza: semis plus précoce

 

«Nous essayons ensuite d'utiliser des variétés moins sensibles aux maladies et d'adapter le mieux possible la densité de semis, indique Bruno Picart, qui est équipé depuis longtemps d'un semoir de précision Herriau. Nous cherchons en blé à retarder la date de semis et à semer clair, de 120 grains/m² en octobre à 200 grains/m² pour les derniers semis. Cette démarche nous permet de réduire les infestations de mauvaises herbes, de limiter les risques de verse donc de nous passer de régulateur de croissance, et de nous en sortir avec le moins possible de fongicides.» En général, il n'en réalise qu'un seul contre la septoriose (une demi-dose d'Opus + une demi-dose de strobilurine) au stade de la sortie de la dernière feuille. «En colza, nous sommes au contraire partis sur un semis le plus précoce possible, juste après la moisson (18 août en 2005-2006) et un semis assez dense (50 grains/m² en semis de précision), pour que les plantes s'installent très vite et puissent rapidement étouffer les mauvaises herbes», indique-t-il.

 

En pois, il a également réduit la densité de semis de 80 grains/m² à 60. En betteraves, il est descendu de 1,3 à 1,2 unité et a prévu de passer à 1,1 unité en 2007. «Puisque, en général, le coût des interventions phytosanitaires le plus élevé est celui du désherbage, c'est sur ce poste que nous avons essayé de travailler», ajoute Bruno Picart, qui teste depuis deux ans la houe rotative (lire l'encadré).

 

 

 

Désherbage : un coût de 13,1 €/ha/passage

Bruno Picart utilise depuis deux ans une houe rotative Yetter (4,70 m) pour le désherbage de ses céréales, betteraves et colzas, en liaison avec Agrotransfert, le Cetiom et l'ITB. Cette technique lui a permis de réduire de façon significative l'utilisation des herbicides.

En colza, par exemple, après un semis le 18 août, il a réalisé deux passages de houe, les 31 août et 7 septembre. Il a obtenu un champ propre, en se contentant de l'antigraminées et en se passant du traitement antidicots. «Il est très important d'attendre que le sol soit bien ressuyé avant de passer la houe, souligne-t-il, pour que la culture reste bien accrochée. Nous réalisons en général deux passages de houe dans le sens du semis, à 15 km/h.» Agrotransfert retient pour le coût du passage de houe 13,1 €/ha, matériel, traction et main-d'oeuvre compris (investissement de 8.000 € pour 4,70 m) et 9,20 €/ha pour le coût de passage du pulvérisateur.

 

En matière de fertilisation, il n'a pas modifié ses habitudes: il utilise la méthode de bilan, réajustée jusqu'à présent avec Jubil. Il a prévu de passer au GPN, en 2007, qu'il avait testé en 2006, et qui donnait exactement la même réponse que Jubil.

En colza, il a poursuivi l'itinéraire technique avec un seul traitement fongicide (BMC) contre le sclérotinia, mais n'a pas osé réduire le nombre de traitements insecticides. En betterave, en dehors du désherbage, il a aussi terminé la campagne comme par le passé.

Des marges au moins équivalentes

Du côté des résultats, ses rendements en blé sont moins élevés que ceux de ses voisins: 75 q/ha contre 85 q/ha. Mais la marge brute qu'il dégage, de 800 €/ha, est équivalente à la moyenne de son groupe au centre de gestion. Ses rendements en colza (30 q/ha en 2006) sont tout à fait comparables à ceux de son secteur. «En colza, il m'est difficile de savoir si je suis gagnant, car je n'en cultivais pas auparavant, mais en betterave j'ai économisé l'équivalent de deux traitements de désherbage (voir l'infographie) sans que le rendement (69 t/ha à 16 en 2006, 80 t/ha en 2005) ne soit pénalisé», analyse Bruno Picart.

 

 

«Les résultats financiers sont satisfaisants, mais je suis persuadé qu'en blé j'ai encore une marge de progrès. Je dois pouvoir atteindre le même niveau de rendement que mes voisins, en positionnant un peu plus précocément le traitement fongicide et en employant des semences certifiées. J'utilisais jusqu'à présent des semences de ferme sur plusieurs générations. Deux points que je vais essayer d'améliorer en 2007», conclut-il.