"Mes 60 hectares de terres cultivables se trouvent en limons profonds, observe Olivier Delange, céréalier et éleveur laitier, installé sur 107 hectares dans l'Orne avec sa femme. Si mon rendement moyen en blé peut atteindre 110 q/ha, comme en 2004, les protéines ne suivent pas toujours." Il préfère donc valoriser le rendement. Et sous contrat de préférence. Coopérateur dans l'âme, Olivier Delange ne stocke que 200 quintaux de blé pour ses animaux et vend toute sa production (blé, orge, colza, maïs ensilage, pois) à Agrial. "La mise aux normes réalisée il y a deux ans plombe notre trésorerie, précise-t-il. Vendre à Agrial nous assure une rentrée d'argent quinze jours après la moisson et nous permet de réduire le temps passé à la commercialisation." Jusqu'en 2003, Olivier Delange pratique sur une bonne partie de ses 27 ou 28 hectares de blé des contrats qui rémunèrent surtout la protéine. Faute de mieux.
Cinq euros la tonne
Lorsque Jean-Philippe Ballot, technicien local d'Agrial, lui propose le contrat "blé qualité porcelet" (BQP) pour sa récolte de 2004, il n'hésite pas à y consacrer 24 hectares. "Mis en place pour l'usine Inzo d'Argentan, ce contrat vise à produire un blé à faible teneur en mycotoxines qui offre une prime de 5 €/t en plus du prix d'acompte et des compléments de prix", explique le technicien. Inzo utilise cette production pour fabriquer son aliment porcelet. Depuis 2004, l'entreprise contractualise avec Agrial 3.000 tonnes de blé dont la teneur en désoxynivalénol (Don) est garantie à moins de 500 ppb. La filière concerne une quarantaine d'agriculteurs, tous proches de l'usine Inzo. "Seuls deux de nos silos équipés de nettoyeurs reçoivent du blé BQP, explique Patrick Beauvois, responsable des relations avec les adhérents chez Agrial. Ils se situent à moins de 30 km de l'usine Inzo afin de réduire les frais de transports." La ferme d'Olivier Delange se trouve à 5 km de l'un de ces silos.
Peu de changement
Pour l'exploitant, la production en contrat BQP ne change pas grand-chose: "Le contrat oblige à labourer, ce que je fais déjà, souligne-t-il. Nous devons enregistrer nos interventions, une habitude, et il oblige de réaliser un troisième traitement fongicide contre la fusariose et la septoriose, ce que je pratiquais." Cette année, Olivier Delange a traité une première fois le 20 avril avec du Bonanza à 1,5 l/ha, une seconde fois le 17 mai avec du Sphère à 0,75 l/ha et une troisième fois au début de juin avec de l'Epopée à 1,25 l/ha. Olivier s'est appuyé sur les conseils de Jean-Philippe Ballot pour positionner les traitements. "Malgré un risque faible en fusariose, nous avons traité, au moins pour protéger le grain contre la septoriose", explique ce dernier. Grâce à un assolement diversifié, Olivier Delange respecte sans problème la contrainte du précédent, qui interdit de semer du blé BQP après un maïs grain, et il se conforme sans regret à la liste positive de variétés établie par la coopérative. Cette année, comme en 2005, il va semer Orvantis, Parador et Apache. Le contrat BQP contribue à la bonne marge brute d'Olivier Delange en blé, qui est en moyenne de l'ordre de 900 €/ha.
ENQUÊTEPeu de Don en 2005"Notre enquête annuelle sur la teneur en Don des blés a montré qu'en 2005 elle était dans 90% des cas inférieure à 100 ppb, indique Bruno Barrier-Guillot, spécialiste de la qualité sanitaire chez Arvalis. Grâce à une météo favorable, c'est l'une des meilleures années depuis six ans." A partir de 2006, la réglementation va imposer un taux de Don inférieur à 1.250 ppb pour le blé destiné à l'alimentation humaine. Un texte est en préparation pour l'alimentation animale. |
Rémunérer les qualités physiquesLa prime de 5 €/t est plus liée aux qualités physiques du grain qu'à son taux de Don. "Réaliser une analyse fine de mycotoxines par benne livrée est aujourd'hui techniquement impossible, note Patrick Beauvois, de chez Agrial. Nous faisons donc une analyse à l'échelle de la cellule de stockage en ayant pris soin de prélever un échantillon par benne." Faute de pouvoir vérifier le respect du seuil de 500 ppb, la coopérative se fonde sur le suivi des pratiques et sur les critères physiques pour rémunérer les producteurs. "Nous refusons le blé à moins de 75,5 kg/hl de PS et à plus de 14,5% d'humidité, poursuit Patrick Beauvois. Ce qui nous a valu, pour la récolte de 2005, d'exclure de la collecte BQP près de 10% des blés." |