Ceux qui se gaussaient des presses à huile « posées sur un coin de table » devront sans doute réviser leur jugement. Malgré les embûches, la filière courte des huiles végétales pures (HVP) commence à se professionnaliser et à se structurer à l'échelle de territoires. Au même titre d'ailleurs que les autres bioénergies.

Un accueil favorable

Le 15 juin, lors d'une journée d'échanges consacrée aux HVP et organisée par Trame, plusieurs initiatives allant dans ce sens ont été présentées. Producteur de porcs en SCEA à Lavault dans la Vienne, Yves Debien est l'instigateur avec quelques collègues d'un atelier collectif de trituration de 1 000 t de graines de colza, réunissant 19 élevages et 42 agriculteurs. La plupart sont situés dans un rayon de seulement 7 ou 8 kilomètres, un atout sur le plan logistique. Les travaux sont en cours et devraient être terminés à la fin de juin pour la partie stockage et en septembre pour le pressage.

La SCEA réalisera à raison de 10 €/t la réception, le nettoyage et le stockage des graines. C'est ensuite une Cuma, créée pour l'occasion, qui se chargera de la trituration du colza pour 30 €/t. Chacun repartira ensuite avec ses tourteaux qui seront intégralement absorbés par le cheptel (1).

L'objectif est de substituer au moins 100 000 l d'huile carburant aux 300 000 l de fioul consommés par le groupe. Pour le reste, une première valorisation de l'HVP est envisagée en alimentation animale (pour les truies). Mais surtout, le groupe a reçu un accueil favorable du côté de la communauté d'agglomération de Poitiers qui pourrait l'utiliser dans sa flotte de camions, en s'inspirant de l'exemple de Villeneuve-sur-Lot dans le Lot-et-Garonne (malgré le procès en cours).

Un agrément, pas une norme

Chargé de projet à l'Institut français des huiles végétales pures (IFHVP), Frédéric Perrin a détaillé l'organisation qui a été adoptée à Villeneuve-sur-Lot avec la mise en place de l'« agrément de production végétole ». Ce n'est « pas une norme », a précisé Frédéric Perrin, mais un dispositif d'encadrement de la chaîne de production d'huile, pour sécuriser l'approvisionnement des dix camions poubelles fonctionnant à 30 % d'HVP.

Dans l'agrément, valable un an et qui comporte deux contrôles qualité (été-hiver), sont pris en compte la qualité de la graine, de la presse, de la filtration, du stockage, du milieu ambiant, du mode de fonctionnement. Chaque étape est soumise à des seuils. Des analyses d'huile sont effectuées par un laboratoire allemand (ASG) pour vérifier le respect des critères (2). Pour l'instant, trois producteurs ont été agréés « végétole », dont le Gaec de Lustrac qui fournit la communauté de communes de Villeneuve-sur-Lot. Conseiller du Geda de Fontenay-le-Comte (Vendée), David du Clary a expliqué que son groupe envisageait la création d'une structure destinée à vendre des solutions de chauffage clés en main aux collectivités locales.

Parmi les dossiers frémissants figure le chauffage avec des céréales du lycée agricole de Luçon-Pét ré (dont 2 500m2 de serres, 250 nouvelles places d'internat). Le service pourrait être facturé 125 E/t HT pour des besoins évalués à près de 2 000 t par an.

(1) 1 850 chèvres, 1 450 vaches laitières, 1 300 vaches allaitantes, 5 000 porcs, 200 truies, 700 moutons.

(2) Quatre critères vérifiés : 10 ppm pour le phosphore (plus bas que la norme allemande), 24 ppm pour la contamination totale (sédiments), 750 ppm pour l'eau et 2 mg de KOH/g pour l'acidité.

 

Vers une « interprofession de la biomasse »

La vente de biomasse s'annonce comme un nouveau métier pour les agriculteurs. D'où des besoins d'accompagnement et de lieux d'échange. Benoît Cousin, de la chambre d'agriculture de l'Oise, a expliqué que sa structure travaillait à la création d'une « interprofession de la biomasse » où l'ensemble des professionnels et des acteurs intéressés par les bioénergies se retrouveraient : collectivités locales, particuliers, groupe d'agriculteurs, coops, négoces, PME telles que les chauffagistes et les experts en réseau de chaleur. L'association locale de développement des énergies renouvelables, l'Ader, pourrait être ce lieu, sachant que pour l'instant elle est surtout constituée d'agriculteurs. La piste d'un certificat de conformité produit « Quali biomasse » est à l'étude pour que les agriculteurs ne se soient pas en concurrence frontale avec des mastodontes comme Dalkia et consorts et que la valeur ajoutée ne leur soit pas confisquée.