À la frontière de l’Indre et de la Creuse, Elsa Auvillain assume ses choix avec sérénité. Elle demande davantage de reconnaissance lors des réunions agricoles.
« C’est mon nom qui est inscrit sur le carnet de chèques de l’exploitation », lance Elsa Auvillain en grattant ses limousines, avec quelques mèches de cheveux rouges qui dépassent de son bandeau. D’abord en Gaec avec ses parents, la jeune femme de 39 ans a pris les rênes de l’élevage allaitant bio de 40 mères en 2023, à Méasnes dans la Creuse, au départ en retraite de ses parents. La même année, son mari s’installait comme maraîcher. Habituée à évoluer dans des univers masculins, Elsa a d'abord été maçonne sur les monuments historiques, se déplaçant de chantier en chantier, tout en jouant au football en loisir. Mais lorsqu’elle devient maman de Lila en 2011, son employeur lui fait comprendre qu'il serait préférable qu’elle quitte l’entreprise ! « Ça endurcit », souligne Elsa de sa voix douce. Elle prend alors un an pour s’occuper de sa fille, puis se lance comme maraîchère. Elle donne naissance à deux autres enfants, Nadau et Mona. « La prise en charge par le service de remplacement après l’accouchement de Mona a été totale. Il restait à trouver une personne de confiance », se souvient Elsa qui a embauché Claude, son mari, pour la remplacer, puis un cousin. Une juste répartition des tâches ménagères Tout en travaillant, Elsa a allaité ses enfants jusqu’à leur entrée à l’école. « J’ai l’impression de vivre au rythme des animaux et des enfants. Même si c’est ma volonté, je suis épuisée, concède-t-elle. Heureusement, je peux compter sur mes parents et mon mari. » À la maison, les tâches ménagères et la logistique des enfants sont répartis de façon équitable avec Claude. « Les légumes peuvent attendre plus facilement que les vaches ! Il fait la cuisine, le ménage, s’occupe des enfants malades… Mis à part les rendez-vous médicaux, il fait tout, j’ai de la chance », sourit Elsa. À l’aise à la ferme, elle l’est moins dans les réunions professionnelles.« On n’est pas toujours écoutée ou considérée, même si cela s’améliore », observe-t-elle. Si sa mère a porté le combat de l’amélioration du statut des femmes, Elsa tente de donner du poids àla parole féminine et de mettre en lumière les travailleuses invisibles, « les petites mains » des fermes.     Elle propose Des formations techniques entre femmes Pour se sentir plus à l’aise, Elsa souhaiterait voir se développer des ateliers techniques (conduite d’engins, mécanique, maîtrise de la soudure…) entre femmes. Pour elle, la non-mixité permet de pouvoir poser toutes les questions sans s’attirer des regards moqueurs. Comme sa mère avec le collectif de femmes Les Brind’Elles, elle apprécierait d’échanger avec d’autres paysannes de son secteur.   Crédits photos Aude Richard - Tous droits réservé