Diagnostiqué d’un cancer de la prostate en 2021, Maurice Baudouin a bénéficié d’une retraite anticipée grâce à sa reconnaissance en maladie professionnelle.
Maurice Baudouin peut en être fier, il n’a connu « qu’une seule exploitation dans sa carrière ». De 1985 à 2021, ce salarié y est « responsable des traitements phytosanitaires et des semis » dans une ferme de grandes cultures en Essonne.https://dai.ly/k1ocOMZ5FiYXQ7BIdI6Il a pris sa retraite à soixante ans « et neuf mois », six mois avant sa date officielle de départ en carrière longue. La raison ? Il a été reconnu en maladie professionnelle par le FIVP (fonds d’indemnisation des victimes de pesticides). Son taux d’incapacité permanente, supérieur à 20 %, lui confère un droit de départ à la retraite « à partir de 60 ans », précise l’ancien salarié. « Mais peu de gens le savent », et Maurice Baudouin ne fait pas exception.Diagnostiqué d’un cancer de la prostate en janvier 2021, lui-même a dû attendre un an et demi avant que sa femme découvre, « par hasard », sur le site d’Ameli (1), que la maladie pouvait être reconnue d’origine professionnelle pour tous les travailleurs agricoles suite à leur utilisation des produits phytosanitaires.Le jeune sexagénaire avait bien entendu parler de la reconnaissance dans les Antilles, où nombre de travailleurs avaient contracté un cancer après une carrière dans les bananeraies. « Mais les bananiers en Île-de-France, ça ne court pas les rues », ironise-t-il.« Les jeunes qui viennent »La découverte de sa femme change la donne. Le couple décide d’entamer les démarches pour faire reconnaître son cancer en maladie professionnelle. « Ce qui m’a motivé, ce sont les jeunes qui viennent derrière moi. Quand on a vingt ans, on se dit qu’on est invincible, mais ça n’arrive pas qu’aux autres. Si personne ne dit qu’il a eu un cancer, on ne saura jamais que les pesticides ont pu provoquer des dégâts », assure celui qui a pu être opéré trois mois après son diagnostic. « Si personne ne dit qu’il a eu un cancer, on ne saura jamais que les pesticides ont pu provoquer des dégâts. » (© Johanne Mâlin/GFA) Inscrite au tableau n° 61 des maladies professionnelles, la reconnaissance du cancer de la prostate nécessite un certificat médical initial pour être envoyé à la MSA. « C’est là que ça a commencé à coincer », se rappelle Maurice Baudouin. Le médecin qui doit l’envoyer n’a pas accès au site de la MSA pour remplir le précieux formulaire et déclencher les premières démarches. Le couple cherche qui peut les aider et découvre l’association Phyto-Victimes. « Sans eux, j’aurai laissé tomber », reprend celui qui n’était « même pas au courant qu’on pouvait se faire indemniser ».Malgré des personnes « très compétentes et à l’écoute à la MSA », pas simple de s’y retrouver dans la procédure administrative, d’autant plus quand on est salarié. « On a un accès beaucoup plus compliqué à la liste des produits utilisés [pendant sa carrière] car la comptabilité nous est inaccessible », observe le jeune retraité.Un carnet d’inscriptionsPour lui, le salut est venu d’un carnet, où il notait ses tâches de la journée depuis le début de sa carrière. Une habitude sûrement héritée de son grand-père, qui lui a permis de retrouver les précieuses inscriptions de chaque produit utilisé pour justifier son exposition. Maurice Baudouin avait noté dans un carnet ses tâches de la journée depuis le début de sa carrière. (© Johanne Mâlin/GFA) Pas question non plus d’incriminer son ancien employeur sur les causes de sa maladie : « Ils sont seulement un maillon de la chaîne. Du moment que l’employeur utilise des produits homologués, qu’est-ce qu’on peut leur reprocher ? » Des produits homologués, « à l’époque blancs comme neige, dont on reconnaît quelques années plus tard qu’ils étaient cancérigènes », regrette, amère, Maurice Baudoin.Le retraité déplore aujourd’hui surtout le manque d’informations auprès des victimes de produits phytosanitaires. « Je suis salarié agricole, affilié à la MSA, détecté d’un cancer de la prostate. C’est la MSA qui a financé mon opération et mon arrêt de travail. Elle connaît les personnes atteintes d’un cancer de la prostate mais elle ne les prévient pas qu’ils peuvent être reconnus en maladie professionnelle ? »« Ce n’est pas à la caisse d’assurance maladie de déduire d’une pathologie qu’il y a un risque professionnel, répond Christine Dechesne-Céard, responsable du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP). Le fonds est là pour informer sur une indemnisation possible, mais il appartient à chaque médecin d’établir le lien. »(1) le site internet de l’assurance maladie du régime général