À l’aube de sa retraite, le diagnostic de myélome multiple tombe pour Jean-Noël Giraud, éleveur en Vendée. Ce n’est qu’après deux ans avec sa maladie, qu’il découvre l’association Phyto-victimes. Avec elle, il entame le parcours de reconnaissance en maladie professionnelle.
En ce mois de janvier 2018, Jean-Noël Giraud entame sa quarante et unième année de carrière comme éleveur de bovins en Vendée. C’est la dernière avant sa retraite. Une dernière année, qui s’accompagne de fatigue avec des douleurs de dos et de cou de plus en plus intenses. La faute au stress de la transmission d’exploitation à son salarié, à « une déprime » ou des problèmes de dos classiques, d’après son entourage et son médecin.https://dai.ly/k5GLsCjV0Pfy9mBIcoCL’épuisement oblige Jean-Noël à transmettre son exploitation un mois avant la date prévue de son départ en retraite, et à prendre véritablement rendez-vous chez son médecin traitant. Entre noël et le nouvel an, les médecins découvrent une tumeur logée dans son cou. Quelques semaines plus tard, le diagnostic tombe. Jean-Noël est atteint d’un myélome multiple, une maladie classée parmi les cancers du sang.Deux ans après le diagnostic, Phyto-victimesLes hématologues établissent rapidement le lien entre la maladie et les produits que Jean-Noël Giraud utilise, notamment les insecticides pour ses animaux. Des agriculteurs dans leur service, ils en voient passer. Entre deux chimiothérapies, l’agriculteur se dit qu’il « faut avertir les jeunes, pour qu’ils fassent gaffe » quand ils utilisent des produits phytosanitaires. Faute de savoir vers qui se tourner, sa pensée reste sans suite. « C'est dommage d'attendre d'être malade pour changer de vision », insiste Jean-Noël Giraud. (© Johanne Mâlin / GFA) Fin 2020, deux ans après le diagnostic, la dernière page de Ouest-France trouve un écho particulier auprès de l’ancien éleveur. « L’histoire d’une femme dont son mari agriculteur était décédé de la même maladie que moi. Il y avait un encart qui expliquait le rôle de l’association Phyto-victimes. J’ai appelé pour leur proposer de faire de la sensibilisation. »Phyto-victimes lui explique alors que son cancer peut être reconnu en maladie professionnelle et qu’il peut percevoir une indemnisation. Sa pathologie est reconnue au tableau des maladies professionnelles n° 59 depuis 2019. Que ce soit de la part des spécialistes ou du médecin traitant, « personne ne m’a dit qu’on pouvait faire reconnaître ma maladie comme professionnelle ».« Je ne voulais pas en entendre parler »« Au début je ne voulais pas en entendre parler, je voulais avertir les autres qu’il y avait un danger et puis c’est tout, insiste Jean-Noël. Dans le milieu agricole, nous ne sommes pas des gens à pleurer pour de l’argent. » Avec l’aide de sa femme, Jean-Noël se ravise et entame finalement les démarches, un mois plus tard. « Mon rôle, c'est d'avertir, et que les gens se protègent. » (© Johanne Mâlin / GFA) Grâce à l’association, la procédure se révèle simple pour son cas qui « rentrait dans toutes les cases », résume-t-il. Une erreur de parcours tout de même : « la première fois que j’ai envoyé le dossier à la MSA, il s’est perdu ». La première indemnisation arrive finalement, le 20 septembre 2021, 9 mois après le début de la procédure de demande de reconnaissance en maladie professionnelle.Installé sur le fauteuil du salon, à quelques pas de la ferme, Jean-Noël se souvient d’un déclic, d’une « petite lumière dans le cerveau », au début des années 2010. À la première formation Certiphyto obligatoire, les dangers des phytos l’interpellent. Il décide d’acheter un ensemble de protection pour les prochains traitements. « Mais c’était trop tard ». Avant, « on ne se posait pas de questions. Les techniciens qui venaient étaient comme nous. On n’était pas au courant des dangers. »Certiphyto, « petite lumière dans le cerveau »Malade, Jean-Noël Giraud se rend compte de la difficulté de sensibiliser son entourage lorsqu’il organise une réunion de prévention. « Un bon copain m’avait dit ‘Moi je ne suis pas malade, je n’irai pas à ta réunion’. Résultat, 6 mois après il a eu un cancer. Il a regretté ce qu’il a dit, mais ça n’aurait rien changé. C’est dommage d’attendre d’être malade pour changer de vision des choses. »