Diversification
Tourner la page de la tuberculose
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David Bernay a vécu l’enfer de l’abattage intégral de son cheptel allaitant en 2018. Avec son projet d’houblonnière, il retrouve de l’espoir. Mais il lui faudra une dizaine d’années pour redresser la ferme.
Un troupeau de soixante-dix vaches allaitantes charolaises en conversion bio. De grandes cultures, un verger cidricole et une activité de prestation de récoltes des pommes. L’histoire de la ferme du grand Donnay à Donnay, en Suisse normande, était celle d’une exploitation de polyculture-élevage qui tournait bien, avec une rentabilité satisfaisante et des projets. Jusqu’à ce mercredi 28 février 2018, où tout s’est effondré. « Nous n’étions pas en zone de prophylaxie de tuberculose, raconte David Bernay. Mais ce jour-là, notre troupeau devait être testé en lien avec un autre cas. »
Pas de cadeau
Le 7 mars, après des analyses complémentaires, le couperet tombe : la tuberculose est présente. Dès le 23 mars, commence l’abattage des cent cinquante bovins (trois cent cinquante en tout, en comptant le cheptel de son frère). Des carcasses seront vendues au prix de la viande à bouillir, à 1,05 €/kg.
« À partir de là, tout est gelé sur l’exploitation, poursuit l’éleveur. Tout s’écroule. Il faudra attendre dix-huit mois pour reconstituer un troupeau, et certainement dix ans pour redresser la ferme. Au départ, l’administration a été rassurante. Elle m’a dit de ne pas m’inquiéter et a affirmé que je serai bien indemnisé. La réalité fut tout autre. »
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Non-reconnaissance de la plus-value des animaux en conversion bio, perte du bénéfice des aides à la conversion pour la reconstitution du troupeau, perte des aides Pac lors du rachat de vaches allaitantes, gel de la production de certaines prairies à désinfecter… Le dispositif Agridiff a expertisé à 111 000 euros le manque à gagner qui n’a pas été couvert par les indemnités. À ceci, il faut ajouter le préjudice moral, les années perdues pour l’obtention du label bio, le préjudice sanitaire lié à l’achat d’animaux dans de multiples élevages (dix-sept en tout pour reconstituer un cheptel de quarante vaches), et la perte douloureuse de plusieurs fermages qui a déstabilisé l’équilibre économique de la ferme. « La tuberculose nous a amené indirectement des complications que l’on ne peut même pas imaginer. L’administration est alors un mur infranchissable ! Globalement, il ne faut pas croire que, quand on va mal, on vous fait des cadeaux », fustige l’éleveur. Ces épisodes l’ont profondément affecté, jusque dans son caractère.
Procédure de redressement
L’addition de tous ces facteurs a mis l’exploitation en difficulté financière. « D’autant plus que nous avions déjà été fragilisés par la mise en place de quotas de production de pommes par Agrial, qui représente 70 % de la collecte dans le secteur, poursuit-il. Les débouchés se sont amenuisés et cela s’est traduit par un anéantissement de mon activité de prestation de récoltes. »
David prend alors la décision d’entrer en procédure de redressement Agridiff. « C’est une solution de la dernière chance, mais je ne le regrette pas, confie-t-il. Le réseau a beaucoup de poids et d’autorité, et il trouve une oreille attentive auprès d’interlocuteurs qui ne voulaient même plus me répondre. »
Retrouver la motivation
Pour traverser la crise, il devenait également urgent pour l’entrepreneur de trouver une initiative qui puisse lui redonner de la motivation. La culture du houblon, David l’avait déjà en tête, et c’est tout naturellement qu’il s’est associé à l’émergence de la filière Houblons de Normandie, sous l’égide de la chambre régionale d’agriculture. « Il s’agit d’un projet que je trouve cohérent, souligne-t-il. La conduite de la culture, les investissements et les besoins en main-d’œuvre sont proches de ceux de l’arboriculture. C’est une approche que je connais bien, et j’emploie déjà chaque année des saisonniers. »
Pour l’heure, l’exploitant expérimente cette culture sur 3 000 m² pour la deuxième année consécutive. Il espère pouvoir en implanter prochainement 3 ha. Tout dépendra des soutiens à l’investissement de la région Normandie et du devenir du statut de travailleur occasionnel. David a néanmoins bon espoir. « Les lignes bougent, avec une vraie volonté du président du conseil régional de relocaliser les productions, constate-t-il. Le houblon, ce n’est pas cela qui sauvera la ferme, mais c’est ce qui sauve le bonhomme. »
La tuberculose est réapparue dans le Calvados de façon sournoise, dans un petit secteur de la Suisse normande. « C’est une souche ancienne, de vingt-cinq ans, qui n’est pas véhiculé, a priori, par la faune sauvage, souligne Daniel Courval, élu du groupement de défense sanitaire du Calvados et président de la section bovine de la FRSEA. Lors de la dernière prophylaxie, seul un cas positif, peut-être importé, a été détecté sur un total de 1 000 élevages et 60 000 animaux testés. »
À Donnay, en Suisse normande (Calvados).
SAU : 178 ha, dont 48 ha de verger cidricole, 72 ha d’herbages,
45 ha de cultures bio, 13 ha en conventionnel.
Main-d’œuvre : 1 exploitant, 1 apprenti et 3 saisonniers.
Cheptel naisseur : 39 vaches allaitantes en conversion bio.
Houblon : 3 000 m² (3 ha en projet).