Conduire plus de 100 hectares de vergers en agriculture biologique est le challenge que se sont lancés les quatre associés du Gaec Fauriel Frères, dans la Drôme.
Chez les Fauriel, la production de fruits est une histoire de famille. Et de défi : ils ont choisi de les cultiver en se passant de produits phytosanitaires de synthèse.
À la fin des années cinquante, l’histoire commence avec trois frères qui s’associent pour exploiter une petite dizaine d’hectares de vergers dans la vallée du Rhône, dans la commune de Loriol-sur-Drôme. Dès le début des années soixante, alors qu’ils s’agrandissent dans le même temps, ils optent pour le travail en agrobiologie selon la méthode Lemaire-Boucher. « Mon père et mes deux oncles étaient des précurseurs. Avant même la réglementation bio, mise en place en 1985 en France, ils s’attachaient à utiliser des pratiques agricoles vertueuses », se souvient Marc, qui s’est installé avec eux en 1991. Avec l’arrivée du logo AB, les associés du Gaec Fauriel Frères décident de basculer tout le verger en bio, mais c’était sans compter quelques difficultés. « Nous nous sommes très vite aperçus que nous n’avions pas les techniques nécessaires, poursuit-il. La baisse de rendement était importante. Pour ne pas mettre en péril l’exploitation, nous avons décidé de ne garder que la pomme, la poire et l’abricot en bio. Nous avons fait marche arrière avec la pêche, pour maintenir notre potentiel de 1 000 tonnes sur nos 65 hectares de pêchers. »
En parallèle de ces changements, la structure juridique de l’exploitation évolue. Départs à la retraite et nouvelles installations aboutissent en 1996 à un Gaec à quatre associés, composé de Marc, son frère Vincent et leurs deux cousins Samuel et Luc. Une SAS est également créée pour gérer la partie commerciale. L’entreprise embauche huit salariés permanents et près de soixante-dix saisonniers pour la récolte et le conditionnement.
Selon les Fauriel, « être arboriculteur est un métier difficile », chacun s’est donc spécialisé dans une tâche précise pour être performant : commercialisation, suivi agronomique, organisation du travail, récolte, protection phytosanitaire… « Performance et technique sont indissociables », affirme Marc. Dans les vergers, un important travail de prévention est effectué. « C’est la clé de la réussite pour produire des fruits bio. »
Confusion sexuelle, pulvérisation d’argile contre les pucerons, enduit de colle pour lutter contre les forficules sont, entre autres, des pratiques utilisées chaque année. « Le choix des variétés est essentiel, explique le producteur. Nous avons renouvelé l’ensemble de nos vergers pour réimplanter de nouvelles variétés, résistantes aux maladies et aux ravageurs. » Il cite notamment Opal, Dalinette, Story en variétés de pommes résistantes à la tavelure.
Conversion des pêchers
Malgré des résultats qu’ils jugent mauvais en abricots (60 t pour 8 ha), les associés du Gaec ont trouvé désormais leur rythme de croisière en pommes et en poires, avec un total pour ces deux fruits de 2 700 tonnes par an en année normale. « Cela nous assure une certaine sécurité et nous a conduit à envisager en 2015 la conversion sur nos parcelles de pêchers », ajoute Marc. Le verger a été renouvelé avec des variétés résistantes, passant de 65 ha à 37 ha de pêchers. « Nous avons perdu 40 % de rendement en première année de conversion et les rendements sont aujourd’hui encore un peu faibles, confie-t-il. Mais nous restons confiants. C’est un nouveau challenge que nous voulons réussir. »
Un autre des objectifs consiste à trouver un débouché pour les 30 % de pêches « abîmées » ou de petit calibre, qui ne sont pas valorisés via les circuits de commercialisation habituels. Contrairement à la pomme ou à la poire, il n’existe pas de débouché « compote ». « Nous envisageons de créer une filière de transformation en purée de pêches, pour travailler avec des industriels autour de ce produit-là », indique Marc.
La tête sur les épaules, le producteur garde toujours en ligne de mire l’enjeu financier : « Pour réussir, il faut compter sur la vente de nos récoltes et assurer un chiffre d’affaires de 25 000 €/ha. Un montant minimum pour couvrir nos charges de personnel, d’intrants, d’investissement et dégager ainsi un revenu. Sans ça, notre exploitation fruitière 100 % bio ne serait pas viable. »
Camille Penet
L’exploitation
À Loriol-sur-Drôme (Drôme). Quatre associés.
SAU : 8,5 ha d’abricotiers, 1 ha de cerisiers, 37 ha de pêchers, 34 ha de pommiers, 12 ha de poiriers, 9,5 ha de céréales (orge, blé).
Volume : 1 800 à 2 000 tonnes de fruits produits par an.
Rendements moyens : 40 t /ha en pommes, 17 t /ha en poires,
15 t /ha en pêches, 7,5 t /ha en abricots.
Sous contrats annuels
L’entreprise Fauriel fruits travaille à plus de 50 % avec la grande distribution. Elle est référencée auprès de Carrefour et Intermarché, avec qui elle signe des contrats annuels. « C’est sécurisant », souligne Marc. Pour travailler avec ces GMS, les quatre associés du Gaec ont adapté leur chaîne d’emballage : « En pomme, nous fournissons surtout des barquettes en carton de 4 et 6 fruits, ainsi qu’un panier de 1,5 kg. Depuis peu, la filère Carrefour bio nous commande aussi des caisses de pommes en vrac. » Le reste de la production est vendue auprès de magasins spécialisés frais et bio.