La pièce des enfants avec le parc du petit dernier, jouxte les bureaux et la salle de repos. Sur la ferme L’Envol, à Thorigny, en Vendée, Aude Bijstra Gréaud, 40 ans, et Eric Bijstra, 30 ans, ont un leitmotiv : optimiser leur temps de travail, vie de famille y compris. Aussi, l’exploitation située à quelques kilomètres de leur habitation, est réfléchie pour parvenir à combiner leur quotidien de parents avec leur activité porcine de naisseur-engraisseur (145 truies) et celle dédiée aux cultures (orge, blé, maïs, lin, colza). Le rythme chaque jour est musclé pour ces deux gros bosseurs, qui ont ajouté sur l’exploitation, en janvier 2021, la culture de houblon bio dont ils réaliseront, fin septembre, la première récolte. Non sans émotion, leur chemin était loin d’être tracé.

Une formatrice et un banquier

Ingénieure agronome, Aude ne pensait pas devenir exploitante. Quand son premier mari, François Gréaud, reprend la ferme familiale L’Envol, la jeune femme se consacre à la formation de futurs installés. En août 2017, François décède au cours d’un accident de silo. Son père, Henri, revient sur la ferme, les voisins et amis agriculteurs l’épaulent, tandis qu’Aude se plonge dans la paperasse, le temps de la succession. Après deux mois de réflexion, elle décide finalement de s’installer. « Nos garçons de 4 et 7 ans m’y poussaient d’une certaine façon, mais je ne me sentais pas acculée. J’ai choisi d’essayer, à la seule condition que ce soit à ma manière. » D’emblée, elle arrête notamment le labour et les antibiotiques. « Après un an de contrainte, la ferme m’a aidée à me reconstruire. »  

© Rosanne Aries - Les 140 ha sont dédiés à l’alimentation des porcs (ici avec Eric).

Eric Bijstra la rejoint en 2019. Fils d’éleveurs laitiers, il est alors banquier. Aude et des collègues le rencontrent pour financer un projet d’achat de matériel en commun. Ils recherchent aussi un salarié, pour un poste partagé. Le banquier qui rêve de revenir vers le métier, saute le pas. Après un an de travail sur trois fermes, il est embauché à temps complet par Aude. Leur relation évolue ensuite, il se marie, et leur petit garçon naît il y a un an et demi.

Se libérer de l’astreinte élevage

Aude et Eric qui doit devenir son associé en décembre, partagent aujourd’hui une même passion pour le métier, avec une obsession commune pour « l’efficience », clament-ils en chœur. Les rois du chronomètre évaluent chacune de leur tâche. La valse des embauches sans lendemain ne leur a pas permis de se dégager du temps jusqu’ici, et le tandem entend parvenir à s’organiser différemment. Ils ont aussi à cœur de développer, ensemble, un nouveau projet. En janvier 2021, ils s’accordent sur la culture du houblon. Seuls trois producteurs se sont lancés en Vendée. Et ce nouvel atelier peut, à terme, leur permettre de créer un poste « pour nous libérer de l’astreinte de l’élevage », souligne Eric. Seulement la culture nécessite de gros investissements. Par ailleurs, si la récolte a lieu une fois par an, la plante, pérenne, est implantée sur quinze ans. Aussi, pour limiter les risques, Aude et Eric font appel à Hopen. La société basée dans le Lot-et-Garonne distribue le houblon d’une dizaine de producteurs (3 à 5 ha chacun) auprès de 120 brasseurs, avec la garantie d’une collaboration dans un rayon limité. « Hopen nous forme, nous accompagne, leur catalogue donne accès à plusieurs variétés et leur contrat nous sécurise – ils prennent une commission au prorata du montant de nos ventes », souligne Aude qui a signé un contrat de sept ans avec la start-up. Hopen travaille uniquement sur des projets de diversification. Sur sa dizaine de producteurs, Eric et Aude sont les seuls éleveurs parmi une majorité de maraîchers.

© Rosanne Aries - Les cônes du houblon sont cultivés pour leur lupuline (poudre jaune) qui confère l’amertume à la bière.

Les Vendéens s’appuient aussi, depuis octobre 2021, sur une association de producteurs pour faciliter l’achat de matériel, la transmission technique et l’activité de transformation des récoltes. Afin de mécaniser leur production, ils ont déjà misé sur une extension de l’houblonnière, en vue d’une surface de 6 ha. Pour les pics d’activité, ils envisagent pour le moment de recruter des intérimaires, avant de créer un poste.