En Ardèche, dans la vallée de l’Eyrieux, passe la Dolce Via. Cette voie douce de 90 km est empruntée par les promeneurs, randonneurs et cyclistes. Depuis 2021, au niveau du Moulinon à Saint-Sauveur-de-Montagut, ils peuvent se poser et se restaurer en plein air à « L’assiette du jardin », chez Tomas Deluzet. Ce maraîcher de 41 ans, adore cuisiner : « J’ai toujours rêvé de transformer moi-même les légumes de mon jardin et les servir ultra-frais, comme à mes trois filles, à la maison ». Sur un espace enherbé, les tables en bois avec parasols et les hamacs colorés se font accueillants. Les flancs les plus ensoleillés de cette étroite vallée sont aménagés en terrasses pour gagner en surfaces cultivables : « Respect aux anciens qui ont construit et entretenu ces murs de pierres », lance celui qui, depuis près de quinze ans, travaille ces planches avec minutie.
Planter et cueillir selon les besoins
Ancien éducateur sportif reconverti dans l'agriculture en 2005, il a mis sa ténacité et ses qualités athlétiques au service de ce terroir pentu, difficile, que beaucoup abandonnent. Il a acquis une vingtaine de terrasses, soit l'équivalent de 2 ha, laissées depuis 20 ans en jachère. Il y cultive, sur géotextile, différentes variétés de salades, pommes de terre, fraises, carottes, betteraves, courgettes, aubergines, poivrons, concombres et persil. Les tomates sont abritées de la grêle par un tunnel. Tomas commence sa saison en janvier, fait ses semis, et cultive en bio. Il dispose aussi de 30 ha de prairies et élève des vaches Galloway et des brebis pour la viande, qu'il écoule en direct.
Après avoir longtemps produit pour une Amap et le magasin paysan local "Aux Sources", Tomas a investi dans un restaurant mobile (Food truck, en anglais) qui lui permet de mieux vendre, tout en produisant moins (lire encadré). « Pour fournir l'Amap et le magasin, je ramassais 100 kilos de légumes par jour. Aujourd’hui, 15 kilos suffisent pour 30 à 40 couverts. Nous pouvons monter à 80 ». Cette année, il a mis 0,5 ha en culture.
Coup de feu d'avril à octobre
Ce gourmet n’est pas un chef, mais il se plaît à travailler dans son food truck immobile, ses tomates, courgettes et salades croquantes et parfumées. Le jardin lui sert de garde-manger. Ce qu’il cuisine est cueilli le jour même, sur les terrasses au-dessus. Il ajuste ainsi les quantités ramassées selon les réservations, la météo, etc. Tomas a plaisir à servir des assiettes composées de crudités ultra-fraîches et ses spécialités comme le tzatziki, ou la ratatouille grillée à la plancha. Les boulettes de viande de la ferme sont épicées façon kefta à l'orientale.
D’avril à octobre, les journées sont intenses et longues, de 5 h à 23 h. Tomas est secondé par Rémi, un fils d’éleveur de Saint-Laurent-du-Pape, et Auréliane, castanéicultrice de la vallée. Derrière le bar, sur un long plan de travail s’organisent les tâches selon la marche en avant : « Fruits et légumes sont lavés, puis découpés, et transformés. Les assiettes sont dressées à la commande, et vendues 10 à 15 €». La jeune femme prépare chez elle des fondants aux châtaignes. Les glaces, sorbets et les bières sont produits par des voisins. « Un client m’a dit : ici, c’est le restaurant du futur », se réjouit le maraîcher-cuisinier qui apprécie de lire la satisfaction sur les visages de ses hôtes.