Quand il porte le regard sur la plaine alentour, Robert Girard fait un triple constat : son exploitation est la seule qui ait une dizaine de cultures, qui transforme du blé en farine et l’une des rares à avoir investi dans du photovoltaïque. Une situation peu courante qui illustre le parcours de cet agriculteur " non issu du milieu agricole" (Nima). Originaire de Distré, commune proche de Saumur à la fois viticole et agricole, Robert Girard s’y est installé en 1992. À l’époque, titulaire d’un BTA et d’un CAP de mécanique agricole, il reprend deux fermes de 25 à 30 ha chacune, enserrées dans le bourg.  Trois ans plus tard, la SAU grimpe à 81 ha. « Depuis, elle n’a pas bougé, explique l’agriculteur. La pression foncière autour de Saumur est telle que c’est une bagarre permanente pour ne pas perdre de terres. Une fois les 7 ha de jachères fixes retirées, je dois faire avec 74 ha. On est à la limite du seuil de rentabilité. »

© Anne Mabire - Robert Girard a investi dans une micromeunerie.

Des cultures porte-graines

Robert Girard a d’abord misé sur les semences de plein champ. Pendant une dizaine d’années, il a produit des potagères, des florales mais surtout de la luzerne et du chanvre porte-graines. En parallèle, dès 1997, il investit dans un hangar prenant soin de l’établir à l’extérieur du bourg, sur un terrain de 25 ares dont il est propriétaire. « J’ai pu ainsi regrouper tout le matériel. À l’époque, l’accès au corps de ferme étant difficile - même avec des outils de petite largeur - je décrochais un peu partout. J’avais décompté les sites de dépose : j’en ai eu jusqu’à onze ! »

Le milieu des années 2000 va marquer un tournant radical dans son activité. Après l’avoir ralentie, Robert Girard stoppe la production de semences, en 2001 pour la luzerne et en 2007 pour le chanvre. Et il met deux fers au feu : la double activité avec un poste d’enseignant en CFPPA – auquel il a renoncé l’année dernière – et une réflexion sur son système d’exploitation.

© Anne Mabire - L'unique bâtiment de l'exploitation est équipé de panneaux photovoltaïques depuis 2010.

En agriculture de conservation

Lui qui commercialise ses céréales via un courtier, s’intéresse au stockage à la ferme. Amorcée en 2001 avec une installation à plat, la démarche est amplifiée. Entre 2004 et 2008, Robert Girard investit dans quatre cellules (500 tonnes) qu’il va assembler avec l’aide de Guillaume, fils d’agriculteur alors soudeur. Sur le plan technique, l’agriculture de conservation s’impose en 2008 comme une évidence. « Cette année-là, avec des prix de céréales bas et un baril de pétrole à 147,50 dollars, la dépendance énergétique de l’exploitation était flagrante. Il fallait l’abaisser et pour cela travailler sur la consommation de carburant et d’azote. » Dans ce but, Robert Girard délaisse le travail du sol, allonge la rotation à 8 ans et introduit de nouvelles cultures. En particulier de la féverole, du sarrasin, mais aussi du blé dur, du lin, du seigle, des pois chiches, des lentilles et des haricots. Aujourd’hui labellisée « Au cœur des sols », l’exploitation consomme moitié moins d’azote qu’en 2005 et seulement 50 litres de carburant par hectare et par an. Le bâtiment d’exploitation orienté plein sud a été équipé de panneaux photovoltaïques. L’investissement (208 000 € en 2010) permet de produire 45 kW/an avec un prix de rachat de 60ct/kwh (tarif 2010).

Cap sur la transformation 

Il y a trois ans, Robert Girard s’est engagé dans un nouveau projet : « Avec l’agriculture de conservation, j’ai introduit de nouvelles cultures sur l’exploitation. Maintenant, l’idée et l’objectif sont de les valoriser ». En septembre dernier, l’exploitation a mis en route une micro-meunerie. Cet investissement de 20 000 € a déjà permis de produire des farines de blé et de sarrasin commercialisées sous la marque de l’exploitation « La ferme du Moulin à cuivre ». Un projet de micro-huilerie de 15 000 € d’investissement est également en route. Bien avancé, il devrait permettre de lancer la production cet automne. À cette date également, Robert Girard commencera à commercialiser ses premiers légumes secs.