L’histoire

Maud avait consenti un bail à ferme à l’EARL du Bon Grain sur un ensemble de parcelles de céréales situées au cœur de la Picardie. Après de nombreuses années d’exploitation, Maud avait donné congé à la société pour reprise au profit de son fils Paul, tout frais émoulu de son BTS agricole.

Le contentieux

La société du Bon Grain, qui entendait poursuivre la mise en valeur des terres données à bail, avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé. Son avocat, qui connaissait bien le droit des baux ruraux l’avait persuadée de son bon droit. En effet, il s’était prévalu d’une jurisprudence bien établie, dégagée dans le cadre des articles L. 411-47 et L. 411-59 du code rural. Elle rappelle que l’omission de la précision dans le congé que le bien objet de la reprise est destiné à être exploité par mise à disposition d’une société, est de nature à induire le preneur en erreur. Aussi, il incombe au bailleur, lors de la délivrance du congé, de prévoir le mode d’exploitation des terres reprises et d’en informer loyalement le preneur évincé.

En l’espèce, le congé délivré à l’EARL du Bon Grain indiquait que le bénéficiaire de la reprise s’engageait à se consacrer à titre personnel, sous forme sociétaire, à l’exploitation des biens repris pendant neuf ans au moins. Ainsi rédigé, le congé n’était-il pas de nature à induire la société en erreur ? Sa rédaction n’était-elle pas ambigüe, faute de permettre à l’EARL d’identifier le régime d’exploitation individuelle ou sociétaire des biens repris ?

«  Le congé indiquait que le bénéficiaire de la reprise exploiterait à titre personnel, sous forme sociétaire ».

Pour Maud, le congé était à l’abri de toute critique. Le mode d’exploitation des biens repris ne constituait pas selon elle une condition requise par la loi pour sa validité.

Les juges lui avaient donné raison : ils avaient validé le congé en considérant que les dispositions de l’article L 411-47 relatif aux mentions devant figurer dans le congé n’exigeaient pas de spécifier si le repreneur exploitera en nom personnel ou en société.

Mais l’EARL du Bon Grain, ne s’était pas laissée abattre. Consciente que la jurisprudence invoquée par son avocat avait vocation à s’appliquer, elle avait formé un pourvoi en cassation, qui a été accueilli avec succès.

La haute juridiction a cassé la décision de la cour d’appel. Elle a rappelé qu’il incombe au bailleur lors de la délivrance du congé dont il est l’auteur, de prévoir le mode d’exploitation des terres reprises et d’en informer loyalement le preneur évincé. Or en l’espèce la rédaction ambigüe du congé ne permettait pas à son destinataire d’identifier le régime d’exploitation, individuelle ou en groupe avec d’autres associés, des biens repris. Le congé devait être annulé. La cour d’appel avait bien violé l’article L 411-47 du code rural.

L’épilogue

La cour de renvoi, prenant en considération la rédaction ambigüe du congé, devra en tirer les conséquences en l’annulant. Et l’EARL pourra ainsi bénéficier du renouvellement de son bail. Pour autant, on voit à travers ce litige, que la Haute Juridiction ajoute au texte de l’article L. 411-47 du code rural une condition qu’il ne postule pas.