Depuis trois ans, des angus pâturent les prairies de Pierre Pidou-Clauzel. Éleveur de taureaux de Camargue, il a choisi de diversifier son troupeau avec cette race en 2019, un an après son installation à l’âge de vingt ans sur la manade Saint-Antoine, qui appartenait à sa mère. À l’époque, le jeune agriculteur fait l’acquisition de seize bêtes : la moitié en vaches reproductrices, l’autre en bœufs à engraisser et en génisses de renouvellement. Aujourd’hui, le cheptel s’élève à soixante-quinze animaux élevés en bio. Pierre renouvelle le troupeau avec les douze mères qu’il possède et achète parallèlement une douzaine de broutards chaque année.

Des bêtes qui supportent les moustiques

Il n’est pas le seul éleveur camarguais à avoir introduit l’angus sur son exploitation. Plusieurs de ses confrères ont fait ce pari. « L’investissement de départ est raisonnable, indique le jeune agriculteur. La plus grosse dépense concerne l’achat des bêtes. Pour le matériel, il est identique à celui que nous utilisons pour les taureaux. J’ai simplement dû faire l’acquisition de mangeoires et d’auges supplémentaires. »

 

Les angus sont engraissés 24 à 26 mois sur les parcelles d’herbe et de luzerne de la manade. © C. Sarrazin
Les angus sont engraissés 24 à 26 mois sur les parcelles d’herbe et de luzerne de la manade. © C. Sarrazin

En outre, l’angus s’adapte très bien aux conditions singulières du milieu camarguais. Contrairement à la charolaise ou la blonde d’Aquitaine, par exemple, la race est légère et peut donc facilement évoluer sur des terrains mous, comme ceux que l’on y trouve. Ce sont des animaux rustiques qui supportent bien les moustiques en été. « C’est aussi une race docile, qui correspond à mes attentes, enchaîne Pierre. Je recherchais en outre des bêtes ayant un vêlage facile et qui puissent être majoritairement nourries et engraissées à l’herbe. » Les angus pâturent durant vingt-quatre à vingt-six mois dans les parcelles d’herbe et de luzerne de la manade. La finition est réalisée avec des apports de farine de blé, farine de riz et de tourteau de tournesol bio pendant quatre mois.

« Ce troupeau me permet de valoriser les parcelles où je ne peux pas mettre les taureaux. Cet animal exige en effet de grands espaces, 1,5 hectare par bête. Tout doit être protégé avec des clôtures en fil barbelé de cinq rangs et un piquet tous les mètres », indique l’agriculteur. La gestion des camarguais est par ailleurs contraignante. Ce sont des bêtes qui ont conservé leur instinct sauvage et qui ne peuvent être manipulées qu’à cheval pour le rassemblement avant de les conduire sur les lieux des courses camarguaises, le principal débouché de cet élevage avec la vente de la viande qui bénéficie d’une appellation d’origine protégée (AOP) et du label Agriculture biologique.

 

La finition des angus est réalisée avec des apports de farine de blé, de tournesol et de tourteau bio pendant 4 mois. © C. Sarrazin
La finition des angus est réalisée avec des apports de farine de blé, de tournesol et de tourteau bio pendant 4 mois. © C. Sarrazin

« C’est beaucoup de travail pour une valorisation loin d’être exceptionnelle, souligne Pierre, qui accueille aussi des groupes pour des démonstrations de manipulations. Ces animaux ne peuvent pas être abattus avant l’âge de quatre ans, pour des raisons de sélection pour les courses. Nous ne commercialisons en direct que les vaches et les génisses. Du fait de la génétique de la race, elles ne développent pas une grosse carcasse, le poids moyen d’une vache adulte est d’environ 150 kg. »

De plus en plus d’éleveurs font participer leurs bêtes aux courses camarguaises, au cours desquelles elles sont louées par les organisateurs. Ce faisant, la concurrence entre éleveurs s’intensifie et il est plus difficile de faire courir les taureaux.

Une viande persillée

D’après les calculs de l’agriculteur, cet élevage de bovins de race camarguaise lui revient à 240 euros par animal. « Pour l’angus, c’est légèrement plus, mais la valorisation est trois fois supérieure : 5,5 €/kg carcasse en moyenne auprès des bouchers, indique-t-il. Nous les abattons quand ils ont de vingt-huit à trente mois. Leur poids moyen de 350 kg est apprécié par les bouchers de la région, qui n’aiment pas découper des grosses carcasses. »

La viande d’angus, réputée pour sa tendreté et son côté persillé, est très prisée des consommateurs. Il y a donc de la demande, même si cette activité demeure un marché de niche. Pierre Pidou-Clauzel commercialise l’essentiel de sa production en direct auprès d’une poignée de bouchers et de clients particuliers. Elle représente désormais le quart de son chiffre d’affaires et commence à être rentable pour l’exploitation. Chantal Sarrazin