En 1978, la Ferme du Mornantais s’est lancée dans la fabrication de yaourts fermiers. « À l’époque, nos parents ont essuyé des critiques », sourit Jérôme Guinand, installé en 2006, six ans après son frère Cédric.

De cinq à huit temps-pleins

Aujourd’hui encore, c’est le yaourt qui fait tourner l’exploitation, située à Mornant (Rhône). Si le nombre de vaches est resté stable, autour d’une quarantaine, la main-d’œuvre est passée de cinq à huit temps-pleins. « Nous transformons la quasi-totalité du lait et avons diversifié nos débouchés. Nos parents transformaient les deux tiers du volume pour vendre à la grande distribution », explique Jérôme. Lui qui a suivi des études de commerce « pour comprendre le monde de la distribution » a voulu travailler avec la restauration collective. Ce débouché pèse désormais autant que la distribution classique.

Investir dans un magasin

En 2022, après l’installation de Romain Clavel, devenu associé après trois ans de salariat, la ferme a investi 15 000 euros dans un magasin. La vente, qui y représente 20 % des volumes, dégage la meilleure marge.

Mais la vraie révolution concerne la conversion au bio, achevée il y a deux ans. « Nous hésitions par peur de ne plus être autonomes pour l’alimentation des vaches, relate Jérôme. Nous avons franchi le pas après avoir suivi des formations avec l’Addear (1) du Rhône. Maintenant, toutes nos céréales sont cultivées en mélange orge-pois ou blé-féverole. Nos prairies sont aussi en mélange : le ray-grass pur, c’est fini ! »

 

Le cheptel prim’holstein passe en montbéliard par croisement d’absorption. © B. Lafeuille
Le cheptel prim’holstein passe en montbéliard par croisement d’absorption. © B. Lafeuille

Avec 90 ha dont 65 en herbe, l’exploitation est autonome en fourrages et concentrés et elle dispose­ d’une unité de fabrication. Les 5 ha de maïs irrigué maintiennent un certain niveau de production et de matière grasse du lait. « Mais on ne raisonne plus comme avant sur la productivité », témoigne Jérôme, qui s’intéresse désormais moins aux volumes qu’à la « fromageabilité » du lait. Le troupeau prim’holstein est en train de passer en race montbéliarde. Sous l’effet des nouvelles pratiques et du changement de race, le niveau d’étable est passé de 10 000 kg à 7 000 kg environ.

Baisse bénéfique

« Nous redoutions de ne plus pouvoir fournir nos clients », se souvient l’éleveur. Ce fut un mal pour un bien. Implantée depuis quarante ans sur un marché porteur, la ferme a pu se séparer de ses plus mauvais clients au sein de la grande distribution. « Le passage en bio et la baisse de productivité ont été bénéfiques sur tous les plans, assure Jérôme. Nous n’avons plus que deux ou trois mammites par an au lieu de quinze. La fertilité du troupeau s’est améliorée : le ratio est passé de 3,2 IA par vache à 1,6. Nos veaux, maintenant élevés directement en case collective sur aire paillée, sont moins malades qu’en niches individuelles. »

Près de 300 000 litres de lait sont transformés en yaourts à l’aide de cette machine (quarante ans d’existence). Elle offre une très bonne qualité de produit mais exige beaucoup de main-d’œuvre. © B. Lafeuille
Près de 300 000 litres de lait sont transformés en yaourts à l’aide de cette machine (quarante ans d’existence). Elle offre une très bonne qualité de produit mais exige beaucoup de main-d’œuvre. © B. Lafeuille

La conversion a renforcé la rigueur sur le volet sanitaire et accru la consommation de paille (seul achat extérieur), valorisée ensuite dans le fumier composté. Le pâturage tournant dynamique permet une gestion optimale de la ressource herbagère. « On se sent davantage techniciens en bio qu’en conventionnel, reprend Jérôme. Nos résultats économiques sont meilleurs, bien que nos prix aient augmenté d’à peine 5 %. »

Les associés sont plutôt satisfaits : « On se dégage un bon salaire, on fait vivre huit personnes avec 40 vaches et on a cinq semaines de vacances et deux week-ends sur trois. » Reste un point noir : le travail administratif. « Nous faisons nous-mêmes notre comptabilité avec l’Afocg. C’est intéressant de comprendre nos chiffres mais c’est chronophage. Et la gestion des salariés est une grosse charge administrative… »

Volonté de se diversifier

Ils aimeraient aussi être moins monopolisés par la fromagerie. La demande en yaourts fermiers est soutenue, mais les associés préféreraient diminuer cet atelier pour se diversifier. Après avoir développé un petit atelier de 150 poules pondeuses, ils imaginent bientôt engraisser une quinzaine de cochons. Cela valoriserait le petit-lait et étofferait la gamme de produits à la vente dans leur magasin.

Bérengère Lafeuille

(1) Association départementale pour le développement de l’emploi agricole et rural, proche de la
Confédération paysanne.