Quand les parents de Vincent Penon, son mari, ont envisagé la retraite, Muriel a décidé de quitter son emploi de formatrice et de le rejoindre sur l’exploitation de Charente-Maritime en 2008. « Il y avait alors des vaches laitières, se souvient-elle. Il aurait fallu faire une mise aux normes et trouver un associé pour assurer aussi les week-ends. » Arrêter l’élevage ? Il s’agissait également de valoriser les 60 hectares de prairies. « Et Vincent est un éleveur dans l’âme », ajoute Muriel. Le couple s’est simplifié la vie en remplaçant les holsteins par des limousines. La viande est vendue un jour par mois à la ferme et distribuée par différentes enseignes qui jouent la carte de la proximité, et se sont engagées à une rémunération juste des animaux. En contrepartie, les éleveurs assurent une à deux journées par an de promotion dans les rayons boucherie.
Des cultures techniques
Le troupeau compte 75 mères limousines et un total de 184 animaux. Pour les nourrir, il faut du maïs, des betteraves, et de l’eau pour produire l’un et l’autre. L’eau est tout aussi primordiale pour les semences, les contrats exigeant que les terres concernées soient irrigables.

Produire des semences avait pour but d’apporter de la valeur ajoutée. « Nous avions perdu 25 hectares de SAU, il fallait trouver quelque chose pour compenser », explique Vincent. Les premières semences étaient de tournesol. « Puis, nous nous sommes pris au jeu, poursuit-il. Ce sont des cultures pointues qui demandent une certaine technicité. » L’hybridation du blé, par exemple, nécessite de semer des rangs de plantes femelles alternant avec des rangs de plantes mâles. Ensuite, il faut revenir planter de nouveau un rang de plantes mâles, et même encore un troisième, pour que la période de pollinisation soit la plus étendue possible.
Selon l’exploitant, la production de ces semences a également permis de se rapprocher du voisin, « alors qu’avant, on se saluait mais on ne se connaissait pas ». Les semis nécessitent d’intervenir simultanément avec deux semoirs et donc d’œuvrer ensemble. « Les éleveurs sont habitués à travailler en commun, souligne-t-il. Chez des céréaliers, c’est plus surprenant. »
La mise en commun porte aussi sur les assolements. « Nous sommes obligés de nous accorder entre voisins pour garantir l’isolement des parcelles. » Les deux exploitations se concertent pour produire simultanément du maïs, puis du blé hybride, puis du maïs. Avec des lots qui se jouxtent sans risque de contamination par une variété non désirée. L’isolement qu’exigent les semenciers est de 30 mètres pour du blé, mais de 200 m pour du maïs, voire de 800 à 1 000 m pour du tournesol. « Il faut vraiment avoir fait le tour des voisins avant de signer le contrat », insiste Vincent.
Vient ensuite le problème de la pollinisation. Leur coopérative, Terre Atlantique, travaille avec un réseau d’apiculteurs vendéens. Il faut environ deux ruches par hectare, qu’ils viennent disposer en bord de parcelle au moment de la pollinisation. Elles sont déplacées par la suite au gré des besoins.
Embauche de saisonniers
Une autre contrainte de la production de semences est la nécessité d’employer des saisonniers. Pour supprimer les têtes de tournesols qui ne sont pas fertiles, pour arracher les panicules et quelques feuilles sur les maïs… La gestion de la main-d’œuvre est du ressort de Muriel : « Vincent aime le côté technique des productions. Moi, c’est l’aspect social et économique qui m’intéresse. »
Le paiement ne se fait pas aux volumes moissonnés, mais en fonction d’un rendement de référence déterminé par le semencier. « C’est lui qui définit l’optimum, explique l’agriculteur. Il indique que ce rendement doit être de 28 q/ha, par exemple. Si l’on obtient 31 q/ha, on est à 110 % du rendement de référence. » Ces 10 % supplémentaires font l’intérêt économique de la culture.
Le goût de Vincent pour la difficulté se traduit dans la grande variété des productions au fil des ans : blés hybrides, blés de force pour la panification, tournesol et maïs semence, lin pour la filière Bleu-Blanc-Cœur, pois destinés aux steaks végans… « On cherche toujours la plus-value », souligne le couple. Myriam Guillemaud
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