Éleveur à Monceau-le-Neuf, dans l’Aisne, Alexandre Lecuyer déplace sa troupe de brebis et ses bovins sur les couverts d’interculture de ses voisins céréaliers, et tout le monde y trouve son compte.
Alexandre Lecuyer a choisi de s’installer sur 8 ha avec une troupe de moutons en 2016. « Mais la première année a été très compliquée, en milieu d’été, je n’avais plus rien à donner à manger aux animaux dans les pâtures, explique le jeune agriculteur de l’Aisne. J’ai mis mes brebis dans les repousses de colza sur l’exploitation de mon père et de mon oncle, et elles n’ont jamais été en aussi bon état. » C’est ainsi que lui est venue l’idée de nettoyer les couverts d’interculture en les faisant pâturer.
Déplacement de la troupe
À la même époque, il a rencontré un éleveur qui pratiquait déjà ainsi dans l’Oise. Dans l’Aisne, la directive nitrate impose depuis longtemps l’implantation de couverts avant les cultures de printemps. Les surfaces d’interculture ne manquent donc pas. Il s’est rapproché de ses voisins céréaliers, qui ont accepté de jouer le jeu et qui finalement y trouvent aussi un intérêt. Aujourd’hui, il dispose de près de 100 ha de couverts d’interculture, dont 20 sur l’exploitation familiale. « Je travaille de façon régulière avec huit exploitations de grandes cultures, précise-t-il. Je déplace la troupe à pied d’une parcelle à une autre dans un rayon de 22 km au maximum. » À partir du mois d’août et jusqu’en avril ou mai, il installe ses animaux dans des repousses de colza, puis dans des cultures intermédiaires.
Des espèces très diversifiées
« Les couverts procurent à mes animaux une nourriture très diversifiée et de qualité car ce sont de jeunes plantes, indique-t-il. Le pâturage présente aussi des avantages agronomiques. Le premier est l’effet “rouleau Faca” du passage des animaux. La tonte ne détruit pas tout le couvert, mais le réduit fortement. »
« Les crottes de moutons sont des Smarties pour les vers de terre ! »
Les brebis et les quelques vaches consomment environ la moitié de la matière verte et l’essentiel est restitué au sol sous forme de déjection. « Lorsque la matière végétale est transformée en excréments, elle est beaucoup plus facilement assimilable, ajoute Alexandre Lecuyer. Le carbone contenu dans la cellulose de la moutarde n’est disponible qu’au bout de cinquante ans, celui de l’hémicellulose de l’avoine dans les cinq ans, alors que dans les déjections animales, il est assimilable en cinq mois. Les crottes de moutons et les bouses de vaches favorisent aussi la vie dans le sol. Ce sont des Smarties pour les vers de terre ! » Les insectes et les oiseaux font également leur retour dans les parcelles. Certaines espèces du couvert repoussent après la tonte. « Le passage des animaux dans les repousses de colzas stimule par exemple les plantes, qui repartent de plus belle, remarque le jeune agriculteur. Avec un voisin, nous avons mesuré que le couvert de colza avait fourni, là où il a été tondu, 1,6 t/ha au total et 1,2 t/ha ailleurs. »
Contre limaces et mulots
Alexandre Lecuyer s’est aussi rendu compte que le passage des animaux dans les couverts était bénéfique pour lutter contre certains ravageurs : « Les brebis mangent les limaces et leurs œufs. Les pattes des moutons font s’écrouler les trous de mulots, du coup les rapaces les repèrent plus facilement. » Pour les couverts implantés chez son père, il privilégie les espèces pâturables qui associent graminées, légumineuses et crucifères. Il évite les moutardes, féveroles, sarrasins et phacélies. Le jeune éleveur essaie de faire en sorte que les couverts reviennent le moins cher possible, en tout cas moins de 50 €/ha. Il utilise dès que c’est possible des semences de ferme en colza, tournesol et pois par exemple. D’un point de vue pratique, il découpe les parcelles de couverts à l’aide de clôtures électriques alimentées par des batteries solaires. Il dispose au total de 4 km de fil électrique.
Alexandre Lecuyer vient de s’associer avec un autre agriculteur à la fois céréalier et éleveur. Ensemble, ils disposent de 500 brebis. Leur objectif est de passer à 800 femelles d’ici à 2024 et de pâturer encore davantage de couverts.
Blandine Cailliez
Le contexte
Alexandre Lecuyer s’est installé en 2016 à Monceau-le-Neuf (Aisne)
sur 8 ha de SAU, en reprenant la partie élevage ovin de l’exploitation de son père et de son oncle. Il a démarré avec 100 brebis et l’objectif de développer sa troupe. Depuis, il a aussi acheté des vaches Herens.
Aujourd’hui, il fait paître ses 350 brebis et ses 6 vaches sur des repousses de culture ou couverts végétaux au gré de ce que les exploitations agricoles voisines lui proposent.
Un choix de couverts déterminé selon leur utilisation
Sur l’exploitation de son père et de son oncle, Alexandre Lecuyer adapte le choix des espèces à implanter en cultures intermédiaires à l’utilisation qu’il va en faire pour l’élevage. « Si le champ est destiné à l’enrubannage, par exemple, nous avons retenu cette année un mélange de 40 kg/ha d’avoine blanche, 10 kg/ha de vesce de printemps, 25 kg/ha de pois fourrager Arkta, 800 g/ha de colza et 2 kg/ha de trèfles d’Alexandrie et incarnat, explique-t-il. S’il va être pâturé avant l’arrivée du gel, nous avons ajouté à la base avoine + vesce : 1 kg/ha de colza, 4 kg/ha de tournesol et 40 kg/ha de pois protéagineux. Pour un pâturage de printemps, donc non gélif, j’ai remplacé le tournesol et les pois du mélange précédent par 1 kg/ha de navet fourrager et un fond de sac de moutarde d’Abyssinie. »
Le récap
Les points positifs
Couverts d’interculture plus efficaces et plus faciles à détruire.
Biodiversité favorisée.
Les points négatifs
Pour l’éleveur, un système très dépendant des autres et de la météo.
Risque de vols des batteries, clôtures et animaux.