En reprenant la ferme laitière familiale en avril 2019, Maxence Meunier n’a pas tout révolutionné. « J’ai préféré valoriser l’existant et renforcer la cohérence du système », explique-t-il. La conversion bio, lancée dès son installation, s’inscrit dans cette optique. Parallèlement, il a réduit le cheptel de 56 à 46 vaches tout en reprenant 7 hectares.
Il a conservé les bâtiments et la salle de traite (2x4 en épi), vétustes mais fonctionnels, et ciblé ses investissements. « J’ai acquis du matériel en lien avec la transition bio et herbagère : une bineuse (20 000 €), une herse étrille (13 500 €), une faucheuse frontale de 6 m (11 000 €) et un andaineur double (19 000 €) », énumère-t-il. Des subventions ont allégé la facture. Il s’est également équipé d’une unité de fabrication d’aliment à la ferme (FAF) pour 23 000 €, autoconstruite dans un hangar existant. Comme la création des chemins de pâturage, cet aménagement lui a coûté plus de temps que d’argent.

Le maïs a reculé dans l’assolement au profit de l’herbe et les céréales pures ont été remplacées par des méteils. « Ils sont plus adaptés à une conduite bio, pour l’apport de protéines mais aussi pour la gestion des adventices et la fertilité des sols », souligne l’éleveur, qui sème 160 kg de triticale et 25 kg de pois à l’hectare. Il récolte environ 40 q/ha d’un mélange où la proportion de pois fluctue. « La FAF permet d’adapter le mélange fermier très facilement, en fonction des matières premières disponibles et des besoins des animaux, reprend-il. Cette année, ayant peu de pois, j’ai acheté davantage de soja expeller pour garder un mélange fermier à 18 % de MAT. » Cependant, comparé au système paternel dominé par le maïs, le tonnage de concentré distribué a diminué. Pâturée ou récoltée, l’herbe représente désormais 100 % de la ration au printemps et en été, et 70 % en hiver (voir l'infographie ci-contre).
Libre-service
« Par contre j’ai gardé le système d’alimentation en libre-service mis en place par mon père, présente Maxence. Il n’y a ni dessileuse ni cornadis dans le bâtiment des laitières, qui mangent au front d’attaque du silo. Je prépare le mélange fermier une fois par semaine et le Dac, alimenté par une vis souple, est actionné une fois par jour. Eté comme hiver, je passe peu de temps à nourrir les vaches. J’ai aussi simplifié l’alimentation des veaux : à l’âge d’une semaine, ils passent à une buvée quotidienne. »
"Je ne me focalise pas sur les performances individuelles des vaches"
Le libre-service oblige à maîtriser la vitesse d’avancement du silo. « En hiver, pour limiter la concurrence, j’ouvre les deux silos couverts qui comportent 60 % d’herbe et 40 % de maïs superposés, explique Maxence. Les 16 m de front d’attaque permettent à 24 vaches de manger en même temps. Je termine un silo à la fin de février pour n’en avoir plus qu’un d’ouvert au printemps. Car le front d’attaque avance moins vite dès que les vaches pâturent, et il faut éviter que le silo chauffe. » Un troisième silo 100 % herbe est réservé pour l’été. Il prend le relais quand la pousse de l’herbe décline.
Pâturage tournant
Dix hectares proches du bâtiment, bien que labourables, sont réservés au pâturage des laitières. Elles y ont accès jour et nuit. Les surfaces sont divisées en paddocks de 40 ares sur lesquels les vaches circulent. « Elles restent un jour dans chaque parc, explique l’éleveur. La rotation rapide permet d’allonger la saison de pâturage. J’ai moins de soucis avec la portance du sol car les vaches piétinent moins. Les prairies sont peu abîmées donc repartent bien. » Il pratique aussi le topping : « je fauche la veille de sortir les vaches, pour éliminer l’herbe épiée et repartir sur de la jeune pousse. Les vaches mangent une partie de l’herbe coupée et laissent moins de refus. »

Dans ce système économe, les génisses, au pâturage dès six mois et au régime 100 % foin l’hiver, vêlent à presque trois ans. « Je ne me focalise pas sur les performances individuelles des vaches, note Maxence. Elles produisent en moyenne 7 200 l et je ne cherche pas à aller plus loin. » Il surveille cependant ses résultats technico-économiques avec l’appui de Mathilde Vial, conseillère élevage chez Adice. « Je partais sur une étude économique prudente, tablant sur 260 000 l payés 430 €/1000l. Finalement, en 2021/22, j’ai livré plus de 300 000 l payés 499 €. »
Bérengère Lafeuille