Les préconisations habituelles incitent à récolter de bonne heure pour obtenir de l’herbe de qualité. Dans le cadre d’un essai coordonné par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, trois exploitations de ce département ont au contraire laissé monter à épiaison certaines de leurs parcelles pour les faire consommer plus tard pendant l’été. Le lâcher des bêtes dans l’herbe haute s’apparentant à du « foin mûr » a ainsi permis de prolonger le pâturage de dix-sept à trente jours alors que la sécheresse avait déjà grillé le reste des prairies.

Dans deux exploitations, l’herbe de printemps a été débrayée du pâturage tournant fin avril. Elle a continué à pousser jusqu’à une hauteur de 90 cm, puis a été consommée à partir de fin juin au fil. Dans le troisième élevage, le report s’est fait sans débrayage, « sous les pieds des animaux », à partir de mi-avril, dans le cadre du pâturage tournant. L’excès d’herbe a été consommé du 26 juillet au 21 août.

Essai

L’exploitation de Nicolas Cortier, installé à Viry, près de Charolles, est l’une des deux premières mentionnées plus tôt. L’éleveur de charolaises y est associé à son père, sur 190 ha de SAU et avec 110 vêlages par an.

L’essai a été réalisé sur une parcelle de 3,20 ha sablo-argileuse à la flore dégradée sur laquelle avaient été réalisés deux tours de pâturage entre la mi-mars et la fin d’avril. La moitié de la surface a été fauchée le 3 juillet. L’autre moitié a été débrayée, puis pâturée à partir du 6 juillet (15 vaches et 21 génisses de 30 mois devant vêler en septembre, ainsi qu’un taureau).

 

Pas pour les animaux en production

L’herbe a été consommée au fil avant à raison de 1 475 m2 d’herbe supplémentaires chaque jour, soit 9 kg MS par animal. Le premier jour, les animaux ont un peu boudé ce fourrage, de prime abord peu attirant, puis s’y sont mis sans perdre d’état. Les analyses ont montré que ces herbes hautes équivalaient à un foin correct (0,7 UFL, 50 à 58 % de MS) qui perdait rapidement en matière azotée totale (MAT), de 8 à 5 %. En revanche, l’encombrement est contenu (1,02 UEB contre 1,25 pour un foin moyen).

Restée verte au pied, l’herbe est appétente. « Les vaches ne consomment pas des refus, mais des repousses d’espèces intéressantes telles que le dactyle, la fétuque ou le ray-grass, pointe Véronique Gilles, de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Compte tenu des faibles valeurs azotées, le fourrage convient plutôt aux vaches en fin de lactation ou sevrées, ainsi qu’aux génisses de deux ans et plus. »

À l’instar de ses deux collègues impliqués dans l’essai, Nicolas tire un premier bilan positif de l’expérience : « Il n’y a eu ni tri ni refus. Le pré, nu et plein de bouses fin juillet, est reparti cet automne plus vite que celui qui avait été fauché. La repousse a été très homogène, avec beaucoup moins de touffes de fétuque, davantage de ray-grass et de petites dicotylédones que dans la partie fauchée. Les bouses ont été digérées par les vers et les insectes, le sol a travaillé. Il ne sera pas nécessaire de le herser. »

En 2021, le jeune éleveur compte poursuivre cette expérimentation sur des prairies non mécanisables et des par­celles sableuses, où le redémarrage de l’herbe a été catastrophique l’automne dernier. « L’idéal serait de mettre un fil arrière pour éviter le surpâturage, observe-t-il. Il faudra aussi veiller à ce que les plantes indésirables, telles que les chardons, ne se multiplient pas. Faute de fauche printanière, ils ont le temps de grainer. » Anne Bréhier

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