« Le taux de matière organique (MO) évolue très lentement, c’est pourquoi des analyses sont effectuées tous les cinq ans et non pas chaque année », souligne Benjamin Collin, chez Arvalis. Plusieurs leviers sont mobilisables pour maintenir ou modifier ce taux. La mise en place de cultures pluriannuelles dans les rotations (prairies, luzerne…) en est un exemple, « qui est bien adapté dans des systèmes de polyculture-élevage », précise l’ingénieur.
Couverts et résidus de cultures
La restitution des résidus de cultures sur la parcelle et l’insertion de couverts en interculture, qui apportent une biomasse végétale supplémentaire et contribuent à fournir du carbone au sol, sont deux autres pratiques mobilisables. « L’effet des résidus dépend du rendement et du type de culture, et celui des couverts de la capacité à les mettre en place, et à produire de la biomasse, suivant la rotation et le climat », souligne toutefois Benjamin Collin.
Dans une simulation AMG (1), sur la base d’une rotation colza - blé tendre - orge de printemps, Arvalis a estimé l’impact de résidus enfouis deux ans sur trois, et d’une Cipan produisant 2,5 tMS/ha un an sur trois, sur l’évolution du taux de matière organique de deux sols plus ou moins riches (argilo-calcaire à 1,6 % de MO et limon argileux) sur quarante ans. Dans ce modèle, aucun produit résiduaire organique n’est apporté au sol.
« Comparé au sol sans couverts et duquel on a exporté tous les résidus de cultures, on observe des effets positifs et similaires entre les deux leviers, et qui se multiplient lorsqu’ils sont combinés », indique l’expert. Le stockage augmente, mais il faut garder en tête l’ordre de grandeur : on est de + 0,2 à 0,3 % de matière organique sur quarante ans. » L’état initial reste également important dans la dynamique de stockage.
« Une étude danoise (Thomsen et al., 2013) a montré que si l’on considère un même stock initial de carbone de la plante, qu’il soit restitué directement au sol, qu’il passe par l’intermédiaire d’un animal ou qu’il soit digéré par un méthaniseur, la part de carbone stable retrouvée dans l’humus reste similaire », rapporte Benjamin Collin.
Méthanisation
Le programme Opiticive (2) a notamment planché sur une étude de l’impact des Cive (cultures intermédiaires à vocation énergétique) et de l’apport du digestat sur le stock de MO à l’échelle parcellaire, avec le modèle AMG. Celle-ci se base sur une rotation blé tendre - orge d’hiver - maïs irrigué et compare l’effet d’une Cipan (graminée qui restitue 2 tMS/ha) implantée avant maïs puis enfouie, avec une Cive d’hiver exportée (6 tMS/ha, qui ampute de - 10 q/ha le rendement du maïs suivant), avec ou sans retour de digestat (équivalent de 70 UN efficace par ha). « La Cive exportée va restituer les 15 cm de biomasse sous la barre de coupe, soit environ 2 tMS/ha, indique Éloïse Gave, chez Arvalis. L’exportation de la Cive aura donc un effet similaire à la Cipan sur le stock de MO, sauf si cette dernière produit une biomasse supérieure à 2 tMS/ha. » Le modèle montre, par ailleurs, qu’un retour du digestat sur la parcelle apporte + 0,1 % de MO par rapport à la Cive exportée seule.
Justine Papin
(1) Modèle basé sur le calcul de bilan humique à la parcelle, sur une profondeur de 0 à 30 cm et qui donne une visibilité au long terme des pratiques à l’échelle d’un système de culture.
(2) Soutenu par l’Ademe, en collaboration avec Euralis, Terres Univia et Terres Inovia.