Depuis qu’il s’est installé aux côtés de son père, en 2014, Louis Ferry multiplie les initiatives pour tenter d’améliorer ses pratiques. « Comme la totalité des blés sont produits en contrats de filières, via notre coopérative Valfrance, pour McDo, les Grands Moulins de Paris, les Moulins Bourgeois ou d’autres clients, l’exploitation doit, de toute façon, respecter l’équivalent du référencement HVE (haute valeur environnementale) niveau 2, précise l’agriculteur de l’Oise. Ces contrats m’apportent une prime de 8 à 10 €/t (1) et me permettent de sécuriser mon revenu. »
Des sols moins battants
Une rotation longue est déjà un atout pour réduire la pression des bioagresseurs. Son père utilisait depuis longtemps des fientes de volailles pour renforcer la teneur en matière organique (MO) des sols et réduire l’emploi d’engrais chimiques. « Le taux de MO est déjà passé à 1,8-2 % dans certaines parcelles contre 1,2-1,4 % il y a quinze ans, indique-t-il. Les sols sont aussi moins battants. »
Depuis deux ou trois ans, Louis Ferry épand 15 t/ha de compost de fumier de cheval sur une partie de ses terres. En blé, il décale aussi le début des semis au 10 octobre contre fin septembre autrefois, pour limiter la pression des adventices et le risque de verse. « Mais je ne sème pas de blé après le 15 novembre, pour ne pas pénaliser le rendement, souligne-t-il. Il faut sans cesse trouver le bon compromis et veiller à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. »
Le désherbage des premiers semis reste complet, Défi 2,5 l + Compil 0,2 l en post-semis prélevée, suivi de Fosburi 0,5 l + Daiko 2,5 l à 1-2 feuilles. Après le 1er novembre, un seul passage de Proclus à 1,5 l suffit. Les régulateurs ont quasiment disparu et les fongicides sont bien adaptés à la pression de l’année.
Louis Ferry sème aussi ses colzas très tôt, dès le 10 août, afin d’obtenir des cultures robustes à l’automne, qui supporteront mieux les attaques d’altises. De même, il apporte au semis 150 kg d’engrais DAP 18-46, pour booster le colza dès le départ, comme sur maïs et pommes de terre. Il opte également, en colza, pour un mélange de quatre hybrides (LG Aviron, LG Austin, DK Excited et Blackbuzz) de manière à mieux répartir les risques. Il associe, en plus, la variété très précoce ES Alicia pour piéger les méligèthes.
Dans le mélange, il utilise 75 % de variétés tolérantes au virus TuYV pour ne pas avoir à intervenir contre les pucerons s’ils sont présents. « En blé, je ne peux pas tester les mélanges de variétés, car en contrats de filières, je suis obligé de semer des variétés pures. » Il emploie aussi des variétés de betteraves sucrières double-tolérantes (rhizomanie et nématodes), et traitées pour moitié avec des néonicotinoïdes (NNI). À cause des haricots et des pommes de terre dans la rotation, il ne peut pas employer de NNI dans toutes les parcelles. « J’essaie de m’approcher de l’agriculture régénératrice, précise-t-il. Cependant, le frein vient des betteraves et des pommes de terre qui matraquent les sols et demandent souvent un labour. »
Des noisettes pour l’industrie
L’automne dernier, Louis Ferry et son père ont planté 22 ha de noisetiers. « Un agriculteur d’un village voisin a monté un projet pour fournir des industriels en noisettes françaises, explique-t-il. La démarche nous a paru intéressante sur le plan économique et pour renforcer la biodiversité et stocker du carbone. »
Pour les mêmes raisons, les deux agriculteurs ont décidé d’implanter, le long de plusieurs parcelles, 15 km de haies en alignement d’essences de tiges hautes. « Je crois en l’intérêt de la biodiversité pour préserver les auxiliaires, ajoute l’agriculteur. Je suis persuadé qu’ils contribuent à la lutte contre les insectes et les limaces. »
Blandine Cailliez
(1) Chez Valfrance, la prime va de 4 à 16 €/t selon les contrats.