Depuis le 1er janvier 2021, l’épandage de certains produits organiques issus d’élevages industriels n’est plus autorisé en agriculture biologique (AB), selon la nouvelle définition du guide de lecture du cahier des charges bio. Les fientes de volailles d’élevage en cage se voient notamment interdites. « Intéressantes au niveau technico-économique, elles étaient largement utilisées en région Centre », rapporte Vincent Moulin, de la FDGeda (1) du Cher.
Tester sur blé
Différents produits autorisés en AB ont donc été testés sur blé dans la région en 2021 : bouchons de farine de viande, digestat de méthaniseur (alimenté avec des matières compatibles avec le système bio), granulés végétaux (Azopril) et fientes de volière, apportés au printemps à hauteur de 60 unités. « Dans le contexte de l’année dernière, ils ont tous eu une réponse positive proche », indique Vincent Moulin. Néanmoins, malgré le gain de rendement, la rentabilité des apports n’est pas assurée : en retranchant le coût de l’engrais (plus élevé que les fientes de volailles) et de l’épandage (prix des engrais février 2021), les marges de certaines modalités (fientes de volières et farine de viande) sont négatives par rapport au témoin non fertilisé. « La réponse technique d’un apport n’est pas systématique, elle dépend des conditions du cycle. Son coût ajoute un facteur supplémentaire à l’obtention d’un résultat économique intéressant. Avant l’envolée des prix des engrais, on estimait qu’une situation sur trois était rentable en bio. »
Dans le contexte d’inflation actuel, les marges seront d’autant inférieures, tout comme les chances d’êtres rentables. « Aujourd’hui, je conseille à mes adhérents de conserver leur enveloppe habituelle consacrée aux engrais. Ils mettront moins de produits, sur des surfaces plus faibles, mais je ne veux pas qu’ils se surchargent en intrants, car les prix de récolte ne sont pas les mêmes qu’en conventionnel. » En effet, les prix du blé en bio sont par exemple restés stables, voire ont même légèrement baissé l’an dernier, alors que le marché a été pour la première fois saturé.
Bien cibler les parcelles
« Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas fertiliser : il faut cibler les situations sur lesquelles on estime obtenir une rentabilité », poursuit Vincent Moulin. Tous les critères agronomiques doivent être pris en compte au moment de la décision, à commencer par le reliquat sortie hiver. « Je considère que s’il est important, autour de 60 unités, il y a une chance d’économiser son engrais. J’envisage de réviser ce seuil à la baisse, compte tenu du contexte d’inflation. »
L’état de la culture est un autre paramètre à regarder. « Si la parcelle manque de pieds en sortie hiver, le milieu peut suffire à les nourrir. Un peuplement assuré et un niveau d’enherbement maîtrisé, ou maîtrisable selon l’outillage de l’exploitation, sont des éléments qui permettent de décider d’un apport. Fertiliser une parcelle enherbée est pire que de ne rien faire car cela dope les adventices, et la performance est impactée si l’on n’a pas les outils pour les gérer. »
Justine Papin
(1) Fédération départementale des groupes d’études et de développement agricole.