«Avec des légumineuses bien implantées, il est possible de fertiliser une prairie multi-espèces dès sa première année d’exploitation, sans impacter significativement l’équilibre graminées légumineuses, estime Carole Gigot, ingénieure chez Arvalis-Institut du végétal. À l’inverse, si on part avec un taux de légumineuses plutôt faible, il est préférable d’attendre la deuxième année. » Ces conclusions proviennent d’un essai mené entre 2017 et 2020 à la ferme expérimentale des Bordes, dans l’Indre.
Dose d’équilibre
La prairie était constituée d’un mélange de cinq espèces, choisies pour leur bon potentiel de rendement et leur qualité : dactyle, fétuque élevée, ray-grass anglais, trèfle violet et luzerne. Sur cette prairie, deux stratégies de fertilisation azotée (ammonitrate 33.5) ont été testées : la première a consisté à apporter de l’azote dès la première année (2018) et la seconde à partir de la deuxième année. Pour chacune, différentes modalités ont été mises en place afin de faire varier la conduite du premier apport (nombre de passages, dose et période).
« En 2018, le témoin non fertilisé a donné de bons résultats, avec 8,7 tMS/ha et 70 % de légumineuses dans le couvert, indique Carole Gigot. Nous n’avons pas observé d’effet notable des apports d’azote de première année sur le rendement par rapport à ce témoin, mais cela est à prendre avec précaution car le premier apport de 2018 a été faiblement valorisé. » En revanche, un effet significatif sur l’équilibre graminées légumineuses a été observé dès un apport de deux fois 45 kgN/ha (baisse à 53 % de légumineuses). Par conséquent, le taux de MAT (matière azotée totale) a lui aussi diminué significativement. « Lorsqu’on attend la deuxième année pour fertiliser, nous observons une baisse légère du rendement cumulé (de l’ordre de 2 tMS/ha) mais une augmentation significative de la part des légumineuses », souligne la spécialiste.
Pour faire un compromis entre rendement et taux de légumineuses dans le mélange, la dose d’équilibre pourrait se situer autour de deux fois 30 kgN/ha ou deux fois 45kgN/ha, ce qui se rapproche des références issues de la bibliographie. En revanche, un apport unique décalé en sortie d’hiver n’a pas donné l’effet escompté sur le maintien des légumineuses, les graminées ayant été davantage favorisées par les conditions de l’année.
Positif sur les coûts
« Sur cet essai, nos conclusions techniques tiennent aussi la route d’un point de vue économique », poursuit Carole Gigot, qui a réalisé des estimations du coût de la tonne de matière sèche récoltée, sur la base notamment des tendances hautes (2021) et basses (2017) du prix de l’azote. « Si on regarde les modalités préconisées d’un point de vue technique sur les deux stratégies de fertilisation, on voit qu’on est encore bon sur le volet économique, c’est-à-dire dans le top 5 des modalités les moins chères. »
Charlotte Salmon
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