Fin juillet, avec des tiges bien vertes qui dépassent deux mètres de haut, les parcelles de chanvre de Romaric Lemoine se repèrent de loin. Installé depuis une dizaine d’années à Signy-Signets, en Seine-et-Marne, l’agriculteur cherchait à faire évoluer son assolement, composé alors de blé, orge, colza et betterave. « Je souhaitais également diversifier mes revenus et moins dépendre des marchés mondiaux », précise Romaric Lemoine.
Peu exigeante
Après plusieurs échanges avec ses voisins et la chambre d’agriculture, son dévolu se jette assez vite sur le chanvre. Culture qui ne lui était pas complètement méconnue grâce à la présence de la chanvrière de l’Aube, dans le département voisin. Mais une fois le choix de la diversification arrêté, il fallait assurer les débouchés, d’où la création en 2008 avec sept voisins de Planète-Chanvre, qui transforme et commercialise la fibre et les graines (lire l’encadré).
« Ce qui nous a aussi séduits dans cette plante, c’est qu’elle est peu exigeante. Nous semons, puis nous la regardons pousser, s’amuse l’agriculteur. Sans ravageurs, ni maladies, ni adventices car elle couvre bien le sol, elle ne nécessite pas de traitements, c’est un gros point fort. Seul un apport d’une centaine d’unités d’azote est réalisé au printemps. »
Précocités différentes
Le semis est effectué en avril à une densité de 45 kg/ha avec un semoir classique, sur une terre assez fine et aérée après un labour hivernal et un passage de herse. « Dans ma région, j’ai le choix entre trois ou quatre variétés aux précocités différentes. Cette année, j’ai semé Earlina en bordure de parcelle pour récolter plus tôt et passer après facilement dans le champ. En revanche, elle produit moins de fibre que Fedora, plus tardive, qui est semée sur le reste de la parcelle. La récolte a lieu vers le 20-25 septembre. »
Planète-Chanvre gère la récolte grâce à une moissonneuse équipée comme en maïs, qui coupe des tiges de 40 cm. La graine est récoltée, triée et séchée rapidement pour assurer une bonne conservation (de 20-25 % d’humidité à la récolte à 9 %). La paille est laissée au sol plusieurs jours pour le rouissage. Comme pour le lin, l’alternance de pluie et de soleil va dégrader les fibres afin de les travailler plus facilement en usine, où elles seront acheminées en bottes carrées. « En termes de rendement, je vise 1 t/ha de graines (chenevis) et 7-8 t/ha de paille », explique-t-il.
Trouver des débouchés
Avec une rotation sur six à sept ans, Romaric Lemoine cultive 20 ha de chanvre sur les 170 de son exploitation, qui compte aussi du blé, de l’orge, des betteraves, du maïs et un contrat de semence de chou chinois. Il signe un contrat avec Planète-Chanvre qui engage les agriculteurs pendant quatre ans avec un prix minimum fixé : 380 €/t pour le chènevis et 110 €/t pour la paille. « La rentabilité est encore un peu inférieure au blé, estime Romaric Lemoine. C’est un peu faible, c’est pourquoi je n’en produis pas davantage, mais c’est normal, la filière est encore jeune, il faut trouver de nouveaux débouchés. »
Philippe Heusele, un producteur également associé dans Planète-Chanvre, confirme : « En produisant 6t/ha de paille payées 110 €/t, on obtient 660 €/t. En ajoutant 1 t/ha de graines à 380 €/t, le prix total payé est de 1 040 €/ha minimum. Il faudrait atteindre 1 200 €/ha, comme en céréales, pour pérenniser la filière. Nous devons donc trouver de nouveaux débouchés et les surfaces doivent se développer en même temps. »
Florence Mélix
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