À l’instar d’autres productions animales, la filière ovine française subit la décapitalisation de son cheptel. Prix de l’aliment élevé, sécheresse, hausse du cours des intrants… « Ce contexte inflationniste a poussé les éleveurs à réduire leur troupeau au second semestre de 2022 », indique Cassandre Matras, agroéconomiste en charge du suivi des marchés en ovins lait et à viande à l’Institut de l’élevage (Idele).

Davantage de brebis à l’abattoir

Si le nombre d’animaux de réforme abattus a augmenté de 5 % l’an passé, les abattages totaux d’ovins ont diminué de 3 % en tête, pour s’établir à 79 000 tonnes-équivalent carcasse. Et pour cause : le recul de 4 % imputé aux agneaux a créé un réel manque de marchandise dans les abattoirs.

Dans le même temps, « les abatteurs ont beaucoup moins de demande de la part de la distribution depuis le début de l’inflation », constate Cassandre Matras. En 2022, la consommation par bilan est inférieure de 3 % à la moyenne des cinq dernières années, malgré une progression de 2 % par rapport à 2021. « Le niveau de consommation reste très modeste », s’inquiète-telle. Face à la demande, ce qui n’est plus produit est compensé par les importations qui sont en hausse de 5 % par rapport à 2021.

- Pour satisfaire la demande de viande ovine, la France importe ce qu'elle ne produit plus.

Des prix concurrentiels

« Le maintien de la cotation à l’entrée d’abattoir laisse à penser que l’offre française ne surpasse pas la demande », poursuit la spécialiste. La France et l’Espagne sont en tête des prix mondiaux. La péninsule Ibérique déleste son marché en exportant des agneaux vifs. Ses envois ont bondi de 18 % sur un an en 2022, principalement vers la Jordanie.

À l’inverse, le Royaume-Uni et l’Irlande « se retrouvent coincés, avec un marché saturé et une production qui ne diminue pas », explique Cassandre Matras. La baisse de la demande se fait ressentir dans tous les pays, en particulier chez les exportateurs (lire l'encadré).

- La France et l’Espagne sont en tête des prix mondiaux de la viande ovine.

La Nouvelle-Zélande représente une concurrence d’importance, avec des cotations nettement inférieures aux prix européens. À titre de comparaison, au 25 février 2023, le prix du kilo de viande ovine française s’élevait à 7,83 € contre 4,13 € pour la viande néo-zélandaise.

En raison de stocks accumulés durant le Covid-19, la Chine a réduit ses achats en Nouvelle-Zélande en 2022, redirigeant ainsi les exportations des kiwis vers l’Europe. « Leur système très extensif leur offre d’énormes économies d’échelle. Ils gagnent également au niveau de la main-d’œuvre, moins nombreuse et moins chère », détaille Cassandre Matras. Malgré un transport de six semaines en bateaux, les prix restent compétitifs pour ces systèmes herbagers.