Le blé tendre est la grande culture la plus semée en France. Mais sa croissance ralentit lorsque la température devient trop élevée. Le changement climatique pourrait donc diminuer les rendements, déjà en baisse. L’année 2020 a connu un fort recul des récoltes, selon Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture. La production atteindrait cette année 29,5 Mt, pour un rendement moyen de 68,9 q/ha. Soit une diminution du rendement de 3,1 % par rapport à la moyenne de 2015-2019. Avec l’augmentation des températures annoncées dans les années à venir, ces résultats pourraient encore diminuer.
De nombreuses équipes de recherche à travers le monde s’attèlent donc à trouver des solutions pour obtenir des variétés de blé, et d’autres céréales cultivées, plus résistantes à la chaleur (lire l’encadré). Parmi elles, la piste détaillée dans une étude publiée dans The Plant Journal en mai 2020. Des chercheurs de l’université de Lancaster (Royaume-Uni), en modifiant une protéine clé de la photosynthèse chez le blé, ont augmenté son optimum thermique de 5°C. Cette protéine, la Rubisco activase, catalyse une réaction indispensable à la photosynthèse : l’activation de la Rubisco, une enzyme qui fixe le CO2 dans la plante. Cette Rubisco activase est sensible à un stress thermique et se trouve progressivement inhibée lorsque la température dépasse l’optimum. Chez le blé, la photosynthèse commence à décliner pour des températures foliaires supérieures à 30°C.
Interrupteur thermique
En utilisant la mutagénèse dirigée, les scientifiques anglais ont identifié que la substitution d’un seul acide aminé modifie significativement le fonctionnement de la Rubisco activase. Les protéines sont constituées d’une succession d’acides aminés qui interagissent entre eux, donnant une forme à la protéine, et donc sa fonction. C’est la substitution d’une isoleucine qui a permis d’augmenter l’optimum thermique de la Rubisco activase de 5°C, tout en gardant son efficacité. Cet acide aminé agit donc comme un interrupteur thermique. Ils estiment que ce dernier peut être exploité pour améliorer l’efficacité et la résilience climatique de la photosynthèse chez le blé. Et donc garder de bons rendements malgré une augmentation des températures.
Si les auteurs de l’étude ont mis en évidence un levier sur lequel s’appuyer pour des travaux de sélection futurs, ils n’ont pas mis au point une nouvelle variété de blé. De plus, « ces analyses ont été faites uniquement in vitro, c’est-à-dire sur des protéines isolées », souligne Norbert Rolland, chercheur à l’Inrae, pour qui des expériences complémentaires sont nécessaires pour analyser l’impact de ces mutations sur le fonctionnement de la Rubisco.
Recherche tous azimuts
Un chercheur américain a développé en 2017, à l’Icarda (1) de Rabat, une variété de blé dur qui résisterait jusqu’à 40°C. La variété est testée dans le bassin du fleuve Sénégal. En France, le projet BreedWheat s’intéresse, entre autres, à la résistance à la sécheresse, plus complexe que la simple résistance à la chaleur. Au niveau international, l’Inrae participe aussi au projet Ahead (2), qui vise à mieux coordonner les recherches sur ces deux sujets. De nombreux travaux sont aussi effectués sur le maïs.