Contrat
Se passer du glyphosate dès 2021
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Déjà en agriculture intégrée, et donc faible utilisateur de produits phyto, Jean-Paul Jourdain a opté, à la fin de 2019, pour le contrat de transition glyphosate Normandie 2021, dans le but de se passer définitivement de cet herbicide.
Ces dix dernières années, Jean-Paul Jourdain n’a employé du glyphosate que très occasionnellement. C’est-à-dire quand le travail du sol n’avait pas été suffisant pour venir à bout des adventices. Il faut dire qu’étant en agriculture intégrée depuis une vingtaine d’années, ce dernier dispose d’un système assez résilient (voir l’encadré).
Une aide forfaitaire de 80 €/ha
Alors que l’emploi de cet herbicide pourrait être retiré d’ici fin 2022 au niveau européen, il a signé en octobre 2019 le « contrat de transition glyphosate Normandie 2021 », lancé par la Région en partenariat avec les chambres d’agriculture. « Cela formalise ce que je pratique déjà, estime-t-il. En effet, pour moi, utiliser du glyphosate, ce que je ne faisais plus depuis deux ans au moment de cette signature, reste une erreur ! Ce contrat me met donc un “coup de fouet”, car cette interdiction est impérative et obligatoire. »
« La signature du contrat de transition glyphosate formalise ce que je mets déjà en œuvre depuis deux ans. »
En échange d’une aide forfaitaire de 80 €/ha, plafonnée à 8 000 € par exploitation, ce contrat lui a imposé la première année de ne pas pulvériser la substance active, sauf en cas d’impasse technique. « Quant à la campagne en cours, c’est zéro usage autorisé. Et on ne doit pas se rabattre sur d’autres molécules herbicides pour le remplacer », précise-t-il.
Cela l’oblige d’autant plus à anticiper et à réfléchir ses interventions. Il arrivait que Jean-Paul Jourdain emploie du glyphosate à la suite d’un passage d’outils pas assez efficace. « Je dois notamment faire davantage attention à la gestion de mes couverts, qui sont systématiques avant mes cultures de printemps, ajoute l’exploitant. Car il me faut des intercultures qui remplissent toutes leurs missions mais sans salissement important, surtout sans touffes de ray-grass ou de rumex. »
Pour cela, il soigne le semis et broie désormais son mélange de moutarde, phacélie, navet fourrager et avoine en début d’hiver. « Mais cette fois, j’ai passé un outil à disques pour ralentir la pousse du ray-grass, en le déracinant partiellement, rapporte Jean-Paul. Ainsi, la graminée partira plus facilement dans le fond quand je passerai la charrue. » S’il a eu dans le passé maille à partir avec du chiendent, qu’il a alors éliminé grâce au glyphosate, il précise qu’avec des outils à dents utilisés par temps sec, on peut aussi venir à bout de cette vivace. « Il faut juste se réapproprier l’emploi des outils », estime-t-il.
En 2019 toutefois, il n’a pas eu d’autre choix que d’employer du glyphosate au moment du rouissage du lin textile. « Les deux années précédentes, les conditions météorologiques m’avait permis de m’en passer, se remémore Jean-Paul Jourdain. Mais en août 2020, nous avons finalement eu assez régulièrement des précipitations. Je me suis retrouvé avec une végétation dense, notamment de la renouée liseron, qui empêche de bien récolter la culture. »

S’adapter sur lin fibre
En 2021, l’usage demeure encore possible pour les liniculteurs mais pas pour ceux qui, comme Jean-Paul, ont signé le contrat de transition avec la Région normande. « Je ne crois pas que l’emploi d’herbicides plus efficaces en cours de végétation puisse pallier ce problème, juge ce dernier. Ils ne peuvent disposer d’une aussi longue persistance d’action. J’ai donc prévu, si nécessaire, de soulever et de retourner davantage le lin pour ne pas favoriser la levée des adventices. Même si cela peut décaler le temps de rouissage, voire abîmer quelque peu la filasse, il s’agit d’un compromis à trouver. »
Système intégré qui anticipe déjà le retrait des molécules.
Plan vertueux, qui permet de réagir plus tôt face au retrait du glyphosate, en mettant en place des actions qui vont perdurer.
Pas à l’abri d’une mauvaise surprise.
Demande davantage de temps et coûte plus cher.
« Dès le départ, j’ai opté pour un système moins intensif, principalement grâce à un assolement avec des parcelles de 4 ou 8 ha, explique Jean-Paul Jourdain. J’ai aussi signé un Contrat de transition écologique (CTE) qui m’a permis de planter 2 km de haies. J’ai très peu rencontré de problèmes d’adventices grâce, notamment, à de longues rotations qui intègrent pour la moitié de la surface des prairies. »
Il a aussi pour habitude de n’utiliser qu’un seul désherbant, mais n’exige pas non plus que son blé soit parfaitement propre.
Il mise également sur les faux semis et le labour ainsi que sur des semis décalés. Et il lui arrive de biner (Cuma). Avec son groupe Ecophyto, les molécules utilisées au sein de la rotation sont vérifiées. Attentif aux indices de fréquence de traitement (IFT), l’agriculteur applique ce raisonnement aux autres interventions.
Installé à Mandeville (Eure) sur 96 ha de terres de limons profonds, Jean-Paul Jourdain dispose d’un troupeau de vaches normandes allaitantes.
Il a une dizaine d’hectares de prairies permanentes et 8 ha de temporaires. En plus du maïs, du blé, du lin textile et ponctuellement d’autres cultures (orge, pois...), les 50 ha autour de l’exploitation intègrent ces prairies ainsi que du trèfle. La rotation est en moyenne de six à huit ans.