Quand le gouvernement a dévoilé début mars son plan national des fertilisants (PNF), c’était d’abord en réponse à la forte inflation du prix des intrants qui touche les agriculteurs brésiliens depuis 2020. Cependant, les perturbations logistiques causées par l’invasion russe en Ukraine ont renforcé le véritable problème : le pays est trop dépendant de l’importation de ses engrais.

Quatrième consommateur de fertilisants au monde, le Brésil en est surtout le premier importateur. Le directeur de l’Anda (Association nationale des entreprises de fertilisants), Ricardo Tortorella, dresse le tableau actuel : « Le Brésil produit 15 % de ce qu’il consomme et importe les 85 % restants. En 2021, nous avons fourni 45,9 millions de tonnes sur le marché, dont 39,2 millions ont été importés. »

Des terres pauvres

Le pays est l’un des plus gros producteurs de denrées agricoles au monde malgré un handicap certain : son sol. Ricardo Tortorella pointe la piste principale : « Le sol tropical du Brésil nécessite l’application de produits et intrants pour atteindre le niveau idéal de nutriments pour la croissance des plantes. » Un sol tropical, ce sont des températures moyennes élevées et des précipitations intenses, et ce, depuis des temps préhistoriques. Les réactions chimiques induites par ces conditions ont réduit la quantité de nutriments des terres agricoles, donc leur fertilité.

En parallèle, le pays produit toujours plus de grains avec parfois deux récoltes par an comme en maïs. Pour les agriculteurs brésiliens, il n’est par conséquent pas question de diminuer les apports. Le plan national des fertilisants a permis de fixer un objectif. D’ici à 2050, le pays espère ramener le volume importé autour des 50 % en anticipant plusieurs scénarios. De l’utilisation de vinasses de canne à sucre, en passant par des coproduits de l’œuf ou des biofertilisants bactériens, plusieurs pistes techniques et technologiques sont à l’étude.

Mais la véritable ambition du Brésil est d’augmenter son exploitation des sources minières nationales. Celles de chlorure de potassium sont particulièrement visées alors que le pays importe 96,5 % de sa potasse.

Et deux problèmes se posent. Plusieurs gisements comme ceux de l’état du Sergipe sont difficiles d’accès techniquement, ce qui pourrait compromettre l’intérêt économique. L’autre limite est la localisation même des mines potentielles. Les roches sylvinites qui permettent une séparation du chlorure de potassium plus simple se situent en grande partie en Amazonie et souvent sur des territoires indigènes et protégés.

Situation à risque

Les problèmes structurels ne seront ainsi certainement pas résolus à court terme alors que la conjoncture donne déjà des sueurs froides au pays qui vient de baisser ses tarifs à l’importation sur les engrais. En conférence de presse début mars, la ministre de l’Agriculture brésilienne, Tereza Cristina, s’est projetée sur la prochaine campagne : « Les semis d’été, qui auront lieu fin septembre début octobre, sont préoccupants, toutefois nous avons la confirmation du secteur privé qu’il y a suffisamment de stock pour arriver jusqu’à octobre. » Dès le lendemain, les industries corrigeaient cette projection à seulement trois mois.

Benoît Devault