Serait-ce le retour de l’intervention laitière ? L’intervention correspond au rachat et au stockage par l’Union européenne de certains produits laitiers, le beurre et le lait écrémé en poudre (LEP). C’était LE levier de l’action européenne jusqu’à la mise en œuvre des quotas laitiers. Les industriels usaient et abusaient de cet outil, jusqu’à remplir les frigos à ras bord. Ce fut l’époque des fameuses montagnes de beurre, dont l’Union ne savait plus que faire. En 1986, les stocks de beurre et de poudre atteignaient respectivement 1,5 million et 1 million de tonnes ! Une image qui reste dans les mémoires et qui explique les réticences de la Commission à bouger sur ce point. Jusqu’à ce que la pression, notamment française, se fasse trop forte.
Tout s’est fait progressivement. L’intervention combine trois éléments : la période, les volumes et les prix. D’abord, Bruxelles a proposé d’étendre la durée de la mesure. La période de l’intervention est prévue dans le règlement Pac. Elle va, normalement, du 1er mars au 30 septembre. En 2014 et 2015, la Commission l’a allongée jusqu’au 31 décembre. En 2016, elle l’a avancée au 1er janvier. Le dispositif devient, de fait, quasi permanent. Les volumes sont également précisés dans le règlement : 50 000 tonnes pour le beurre, 109 000 tonnes pour le LEP. Au-delà, Bruxelles peut toujours proposer des adjudications. En mars 2016, elle a proposé de doubler le plafond sur la poudre, soit 218 000 tonnes. La Commission propose, le Conseil dispose. Il a adopté un règlement en ce sens. La mesure est en vigueur depuis le 20 avril. Un mois entre la proposition et l’action. Rien à dire. Reste les prix. Les achats publics se font à prix fixe. Sur ce sujet, la Commission reste encore inflexible. Le prix sur le LEP correspond à environ 290 euros la tonne.
Quelle est la position des États ? Quelques-uns – la France et la Lituanie, très impliquée – demandent d’actionner tous les leviers. D’autres – l’Allemagne – réticents à la régulation administrative par principe, acceptent cette fois cette action par le stockage public, plus appréciée que la régulation par entente. La mesure a été adoptée par le Conseil sans difficulté.
Enfin, quelle est la position des intéressés ? Les bénéficiaires sont les transformateurs, mais la vraie cible sont les éleveurs. Et là, surprise. Les Français, les plus demandeurs de régulation, ont été plutôt lents à se bouger. Le commissaire Hogan aurait fait des remarques ironiques à ce sujet. La collecte étant stagnante, ils n’avaient guère de produits à vendre. Beurre ? Zéro demande. LEP ? En 2015, les Français ont répondu à 7 % des offres d’achat européennes (quand les Belges étaient à 40 %). En 2016, ils ont soumissionné 16 % de l’ancien plafond. Les Français se sont réveillés après le relèvement du plafond : 40 % des nouvelles offres d’achat de la Commission ont été prises par les Français.