C’est David contre Goliath, mais cette fois, David a fait plier Goliath. Le Vermont, l’un des plus petits États américains, a réussi à imposer aux géants de l’industrie agroalimentaire, l’obligation d’apposer sur les produits vendus au détail, à partir du 1er juillet 2016, la mention « produit à partir du génie génétique », quand ils contiennent des ingrédients génétiquement modifiés. Seuls le lait, la viande et quelques autres denrées en sont exemptés. Une période de transition de six mois est prévue.
La loi qui instaure cette obligation a été promulguée en mai 2014. La Grocery Manufacturers Association (GMA), qui représente l’industrie agroalimentaire, avait aussitôt attaqué le Vermont en justice, pour entrave au commerce entre États. La GMA dénonce, en outre, les surcoûts logistiques induits par cette mesure, qui pourrait d’ailleurs faire tache d’huile dans d’autres États de la Nouvelle-Angleterre : le Maine, le Connecticut et le Massachusetts. Mais elle n’a pas obtenu gain de cause auprès des tribunaux et la procédure traîne en appel.
L’industrie alimentaire s’est alors tournée vers le Congrès, dans l’espoir de faire adopter une législation fédérale qui préempterait les dispositions des États sur l’étiquetage des ingrédients issus du génie génétique et n’imposerait aucune contrainte en la matière. La GMA a déployé son puissant lobbying auprès des sénateurs républicains, mais ceux-ci n’ont pu rallier assez de voix démocrates : le débat au Sénat sur ce projet de loi, le 16 mars, a tourné court.
Les firmes, pragmatiques, en ont immédiatement tiré les conséquences. Campbell Soup avait déjà annoncé, en janvier, son soutien aux exigences d’étiquetage du Vermont, au nom du droit des consommateurs à savoir ce qu’ils mangent et à soutenir le type d’agriculture qu’ils souhaitent. Depuis le 16 mars, Kellogg’s, General Mills, Mars, ConAgra… ont indiqué qu’ils allaient se conformer à cette mesure, bien qu’ils y soient hostiles (les denrées issues d’organismes transgéniques étant reconnus par l’administration fédérale comme sans danger pour la santé humaine), tout en réclamant une loi applicable de manière uniforme partout.
L’affaire est d’autant plus médiatisée qu’une étude récente montre que l’utilisation de glyphosate par les agriculteurs, aux États-Unis, a été multipliée par neuf depuis l’introduction des cultures transgéniques tolérantes aux herbicides, en 1996. Dans la foulée, plusieurs scientifiques ont cosigné un document alertant sur les risques associés à l’exposition aux herbicides à base de glyphosate. La pression s’accroît sur les autorités sanitaires pour durcir les normes fédérales sur la consommation de pesticides. Il est vrai que les Américains sont de plus en plus soucieux de la sûreté de leur nourriture, comme en témoigne le boom des produits « bio », qui captent désormais 5 % du marché alimentaire.