Utilisée dans l’industrie agroalimentaire pour le dessalage de l’eau de mer ou dans l’industrie chimique, la cryoconcentration est une technologie qui pourra bientôt être utilisée dans le traitement des effluents. Deux études scientifiques parues en 2021 mettent en avant la faisabilité et l’intérêt de cette technique pour le traitement des lisiers et digestats. Son principe repose sur la cristallisation du solvant par le froid. Plus simplement, il s’agit de transformer l’eau des effluents en glace. Une partie des nutriments sont piégés dans l’eau solidifiée, mais la plupart se concentrent dans la partie liquide restante, appelée concentrat.

Deux techniques efficaces

Deux techniques de cryocentration ont été testées sur du digestat par des chercheurs issus d’universités espagnole (1) et anglaise (2).

Dans la première technique, l’effluent était agité par un système de pales, reliées à un axe dans lequel un liquide réfrigérant circulait. Il en découle la formation de cristaux de glaces dans le digestat. Le concentrat était ensuite aspiré. La seconde technique étudiée était un refroidissement progressif par l’extérieur. Le liquide réfrigérant circulait dans une chambre entourant la cuve de digestat. La glace se forme alors sur les bords et s’épaissit, laissant la solution concentrée au milieu. Dans ces deux expériences, le concentrat subissait une nouvelle fois le processus. À chaque étape, le volume était éliminé de moitié, conduisant à un concentrat final représentant 25 % du volume initial.

Les deux méthodes se sont révélées efficaces. Le taux de matière sèche final a été multiplié par 1,9 avec la première et par 2,2 pour la seconde. Si le rendement s’est montré meilleur dans le dernier cas, la consommation d’énergie a aussi été plus importante : + 46 %. Or cette question est essentielle (lire l’encadré). Les scientifiques notent que l’efficacité du procédé varie selon les éléments fertilisants. Ainsi, la teneur en azote du concentrat final a doublé par rapport à celle de la solution initiale, tandis que la teneur en phosphore a été multipliée par 2,5 et celle en potassium par 1,5.

Des atouts en zones vulnérables aux nitrates

Si la cryoconcentration en est encore au stade expérimental dans ce domaine, cette technologie est déjà mature. Dans un contexte de développement massif de la méthanisation et d’agrandissement des élevages, elle pourrait faire partie du paysage agricole. À l’issue du processus, la fraction concentrée peut ainsi être plus facilement exportée vers des zones en déficit de fertilisants organiques. À l’inverse, les régions avec une forte concentration d’élevage et/ou de méthaniseurs pourront utiliser la fraction plus diluée. En respectant les seuils fixés par la directive nitrates, il aurait fallu 75 hectares pour épandre 1 000 m3 du digestat étudié par les chercheurs avant sa transformation. La partie restante, plus diluée, représente 75 % du volume initial. Elle contient, cependant, près de la moitié des nutriments initialement présents. Dans la même hypothèse, elle pourrait être épandue sur seulement 34,5 hectares. A priori, cette méthode de concentration ne porte pas atteinte à la valeur biologique de ces effluents. Reste désormais à étudier la répartition de la matière organique entre le concentrat et la fraction diluée. Gildas Baron

(1) Vic, Université centrale de Catalogne, Manresa.

(2) ESRI, Université Bay Campus, Swansea.

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