«J’ai intégré, en 2016, le groupe de femmes du Civam (1) de notre secteur. Nous discutons de notre quotidien, échangeons des astuces, dans la bienveillance. La parole est libre, il n’y a pas de jugement. Nous évoquons certains sujets plus facilement. Dans un groupe mixte, il est plus difficile de prendre la parole. Un lien vraiment fort s’est créé entre nous.
Sororité : un lien fort
Le groupe s’est soudé, sororité est un mot qui nous correspond. On rit de nos situations, parfois on pleure. On exprime nos émotions sans tabou.
C’est mon conjoint, engagé avec le Civam depuis longtemps, qui m’a parlé de cette démarche. Je suis arrivée sur sa ferme, une exploitation de 60 vaches laitières en bio, dans le cadre d’une reconversion professionnelle. J’ai démarré mon parcours à l’installation en 2016, et je suis officiellement chef d’exploitation depuis mars 2019, à parts égales avec mon mari. Nous transformons une partie du lait en glaces. Cet atelier occupe la majeure partie de mon temps, mais je soigne aussi les animaux, et participe à la traite avec lui tous les matins.
J’ai suivi plusieurs formations non-mixtes, sur des thèmes variés : conduite de tracteurs, prévention des troubles musculosquelettiques, usage et adaptation du matériel, aménagement et adaptation des bâtiments. Moi qui n’étais pas du métier, je ne me sentais pas forcément légitime pour poser des questions. J’ai l’impression d’être plus en sécurité entre agricultrices. On ose essayer. Entre femmes, cela évite, par exemple, qu’en session conduite de tracteur, un homme attrape le volant pour pratiquer à notre place.
Ces formations nous montrent aussi l’inadaptation des outils de travail : ils sont faits et pensés par le genre masculin. Ils ne sont pas en adéquation avec notre morphologie. Ce constat est valable dans d’autres métiers : pour la transformation de lait en glaces, le sucre était livré en sac de 50 kg, et depuis quelques années, il existe des conditionnements de 25 kg. Ils restent lourds, mais c’est mieux ! Je viens de m’inscrire à une formation “Soudure et travail du métal”. Elle sera vraiment adaptée aux femmes, y compris sur l’objectif : fabriquer une brouette pour le transport des veaux. Le but est d’améliorer notre bien-être et notre autonomie au travail. »
Propos recueillis par Marion Coisne