Utiliser les techniques et les infrastructures de la filière du lin pour faire vivre en Normandie une filière de chanvre textile industrialisée. Cette idée un peu folle tend à devenir réalité. La technique d’arrachage et du rouissage du chanvre est presque aboutie, selon des essais présentés le 20 août 2021 sur la plate-forme de Martragny, en plaine nord de Caen (Calvados).

Un prototype d’arracheuse

Le prototype d’arracheuse à chanvre, breveté et unique au monde, a englouti presque sans peine les 5 hectares au rythme de 1 à 1,5 ha par heure. « Quelques ajustements sont encore nécessaires, mais nous avons une machine opérationnelle­ à 80-90 % », s’est félicité Henri Pomikal, agriculteur et vi­ce-président­ de la Coopérative linière du nord de Caen. Il a lui-même testé la culture.

 

La machine a été mise au point pour la filière normande en huit mois par Niels Baert, un jeune « Géo Trouvetou » belge de vingt-huit ans. Elle est construite sur le modèle des arracheuses à lin. Sauf que la végétation de chanvre, qui fait 2 mètres de haut environ, est coupée en deux pour constituer deux nappes parallèles de 1 mètre de large.

 

Ces nappes peuvent ensuite être retournées, roulées et teillées avec le matériel classique dédié au lin. L’ensemble du modèle industriel se trouve ainsi calqué sur le modèle du lin fibre. « La production de chanvre textile avait jusqu’ici complètement disparu en France. Car contrairement au lin, nous n’avions pas su industrialiser la production », relate Henri Pomikal.

Remplacer la betterave

Dans ce projet, « les filières conventionnelles et bio marchent ensemble », insiste Marc Vandecandelaere, le président de la coopérative. C’est d’ailleurs l’association Lin et chanvre bio qui pilote la partie technique et les essais, sachant que même en conventionnel, aucun traitement phytosanitaire n’est nécessaire.

 

En 2021, 15 hectares de chanvre textile ont été expérimentés en Normandie. L’an prochain, la filière implantera entre 50 et 100 hectares. « À terme, nous avons un potentiel de 12 000 hectares pour le chanvre textile rien que dans le Calvados, constate Henri Pomikal. C’est juste ce qu’il faut pour remplacer la culture de la betterave (après la fermeture de la sucrerie en 2020, NDLR) et retrouver une rotation vertueuse de six ans. »

Alexis Dufumier